Archives de catégorie : Artistes

Luca Gilli

est né en 1965. Il vit et travaille à Cavriago dans la province de Reggio Emilia. Docteur ès Sciences Naturelles à L’Université de Parme, il travaille, depuis plusieurs années comme photographe et consultant dans le domaine de l’environnement et de la faune au service des parcs naturels, des écoles et des instituts universitaires.

En 1998 il ouvre un studio de graphisme et d’édition.Son travail photographique est souvent exposé en Italie et à l’étranger, tandis que ses reportages ont été publiés dans de nombreuses revues nationales et internationales. Luca Gilli a aussi publié plusieurs livres et ses travaux sont présents dans les catalogues de plusieurs expositions collectives.
Ses photographies font partie des collections privées et des musées de la photographie et de l’art contemporain italien et européen : Bibliothèque Nationale de France – Paris, Musée de la Photographie Charleroi – Belgique, Kunstbibliothek – Berlin, Musée d’Art Moderne et Contemporain – Strasbourg, Musée Réattu – Arles, École Nationale Supérieure des Beaux-Arts – Paris, Museum of Photography – Thessaloniki, etc.)

Principales expositions : 

2003 : Charleroi – Musée de la Photographie.
2004 : Paris – Maison Européenne de la Photographie. Invité comme auteur à la projection «L’Ecole de Reggio Emilia».
2005 : Alexandrie – Musée Mahmoud Saïd
2005 : Le Caire – Institut Culturel Italien.
2007 : Lyon – Galerie Domus Université Claude Bernard 1
2011 : Reggio Emilia – Fotografia Europea
2011 : Milan – Photo Art Fair
2011 : Arles – Rencontres de la Photographie
2012 : Nantes – Galerie Confluence de
2012 : Paris – Foire d’art contemporain Paris Art Fair,
2012 : Paris – Galerie Claude Samuel
2012 : Milan – Image Art Fair
2012 : Lille – Maison de la Photographie
2013 : Lille – Lille Art Fair
2013 : Milan – galerie 10Due!
2013 : Milan – International Research Contemporary Art
2013 : Montechiarugolo – Palais d’expositions de la municipalité
2013 : Turin – Galerie Weber & Weber arte contemporanea
2013 : Arles – Musée Réattu exposition Nuage
2014 : Nantes – Galerie Confluence
2014 : Séoul – The Museum of Photography – Italian Nostalgia
2014 : Lyon – Galerie Domus Université Claude Bernard 1
2014 : Lyon – Ecole Nationale Supérieure des Sciences de l’Information et des Bibliothèques

Pentti SAMMALLAHTI

Pentti Sammallahti est né en 1950 à Helsinki dans une famille d’artisan (Son père était orfèvre). Il est le petit-fils de la photographe Hildur Larsson, d’origine suédoise.
Dès son adolescence, il commence à pratiquer avec passion la photographie et le tirage. Il rejoint le Camera Club d’Helsinki à 14 ans.
Il étudie l’histoire de l’art, la musicologie et les mathématiques à l’université.
Parallèlement, il commence à travailler pour de petits périodiques culturels et s’occupe du laboratoire du photographe Matti A. Pitkänen.
Sa première exposition personnelle a lieu en 1971.
En 1974, il expose au Musée de la photographie d’Helsinki et commence à enseigner (École d’art de Lahti, Université d’art et de design d’Helsinki).
La reconnaissance de son travail se confirme en 1975 lorsqu’il reçoit le prix national finlandais de photographie, qu’il obtiendra à nouveau en 1979, 1992 et 2009.
En 1991, l’octroi d’une bourse artistique d’état pour une période de 15 ans lui permet de quitter l’enseignement et de se consacrer à son œuvre.
Première exposition en France en 1996 (Institut Finlandais, dans le cadre du Mois de la Photo).

Halmg-Tangch, Kalmoukie, 1991

LE SILENCE DES ESPACES

L’œuvre de Pentti Sammallahti, en majeure partie consacrée au paysage, renouvelle ce genre grâce à une poétique de l’insolite qui tire sa puissance d’un savante maîtrise des gradations extrêmes du noir et du blanc. Sa représentation du monde, née d’une exploration minutieuse des potentialités de la vision photographique, se pose en contrepoint face à la tendance contemporaine des grands tirages : le photographe finlandais privilégie en effet les points de vue panoramiques en petit format. Cette forme élargie du champ de vision ne délimite aucun lieu précis, aucune autre destination qu’une perte de vue où s’engouffre le silence à travers des étendues d’eau, de clairières ou de neige. La vastité paysagère ainsi découverte devient une scène où des acteurs muets, la plupart du temps des animaux domestiques, sont saisis dans des situations incertaines que l’on associerait volontiers à des personnages de fables.

Cet effet de narrativité est en grande partie le fait d’une écriture photographique très personnalisée, particulièrement dans le traité de la couleur où la violence des contrastes du noir au blanc renforce les effets de sens et enclenche l’illusion d’une intensité dramatique. Dans les paysages de la Mer Blanche en Russie, la neige est si omniprésente que les hommes et les bêtes paraissent des pièces rapportées, comme s’ils avaient été détourés d’un autre décor et abandonnés aux forces du blizzard. Quelque part dans les îles Solovski, la réverbération de la neige confère, par un effet de contrejour, une importance de personnage à quatre chiens errants sur une route : un Husky assis sur une motoneige préside cette parodie de Conseil tenu par les chiens et autour de son profil hautain, l’un de ses semblables s’incline tandis que les autres tentent de rouscailler. Plus étrange encore, le cas de ce petit lapin blanc qui, recevant à lui seul toute la lumière qui n’illumine pas le sous-bois devant quoi il se tient, transforme une obscure futaie de bouleaux en un univers de livre pour enfants (Signilskar, Finlande – 1974).

Comme aux plus beaux temps de l’art classique, cette photographie développe une apologie de la Nature dans ses multiples aspects, végétal, paysagiste, humain et psychologique, et plus qu’une apologie, l’art de Pentti Sammallahti délivre une véritable pensée plastique de la Nature. Un panoramique vertical (Swayambhunath, Népal – 1994) en fournit une illustration métaphorique : un singe, assis dans une attitude pensive, reçoit l’ombre d’un arbre déployé à la manière d’une gorgone et les ramifications infinies de la frondaison occupent toute la hauteur de l’image, comme si la matière végétale produisait le graphe du réseau neuronal qui aurait conçu une telle beauté.

Par ses choix de photographe et de coloriste du noir et blanc, les grandes scènes d’extérieur de Pentti Sammallahti finissent par refléter un monde intérieur : la symbolique manichéenne noir/blanc joue pleinement sa puissance d’évocation extraordinaire, comme dans cette photographie nocturne (Martinmere, Angleterre -1996) où sont confrontées, dans un entrelacs de formes aussi complexe que dans une gravure d’Escher, une population de cygnes blancs et une marée de canards sauvages. Comme dans certains panoramiques de Joseph Koudelka, le grand angle hypertrophie la valeur signifiante de l’image et le sujet de la photographie n’est plus seulement le paysage comme représentation de la Nature mais le partage d’une vie intime avec le silence des grands espaces et quelques signes de vie qui dérangent leur uniformité.

L’exploration de l’œuvre de Pentti Sammallahti nous conduit dans des chemins qui pourraient nous faire passer d’une phénoménologie du regard à une phénoménologie de l’intériorité.

Robert PUJADE

Vuonninen, Carélie, Russie, 1991

Vuonninen, Carélie, Russie, 1991

Volkmar HERRE

Si, sans ambiguïté, les images de Volkmar HERRE peuvent être qualifiées de « Paysages » et ainsi appartenir à cette grande catégorie de l’expression artistique, on se rend très vite compte qu’elles sont habitées par une certaine étrangeté, dont on ne perçoit pas, au premier coup d’œil, la nature.

À la netteté sans faille de certains éléments, s’opposent  un voile, une incertitude, qui brouillent la perception d’autres parties du paysage. La raison de cette étrangeté réside dans le mode opératoire choisi par l’auteur : le STENOPE /CAMERA OBSCURA.
On ne peut faire plus simple qu’un sténopé : c’est une simple boite noire percée d’un trou minuscule…

Nous sommes ici aux racines mêmes de la discipline, dans un retour aux fondements originels de l’image photographique. Photographier, c’est écrire avec la lumière, nous dit l’étymologie.
Mais le recours à ce procédé ne constitue pas seulement pour Volkmar HERRE un choix technique, il s’agit avant tout d’un choix esthétique, d’un mode de vision, d’une autre appréhension du monde.
Parce que le sténopé exige de très longs temps de pose (près d’une demi-heure, parfois plus) pour que la lumière arrive à créer une image, nous nous trouvons soudain confrontés à une dimension totalement nouvelle. À l’image couramment admise de l’instantanéité photographique succèdent un entassement, une stratification continue du temps. Apparait ainsi la notion déroutante de « la durée d’un instant » : un temps entassé, fondu en lui-même. On peut dire que par certains aspects, les photographies de M. HERRE sont une écriture du temps…
Ces très longs temps de pose, outre qu’ils requièrent un protocole très rigoureux d’immobilité pendant la prise de vue, nous donnent accès à des régimes de visibilité très différenciés.
Ici l’invisible côtoie le visible, les rochers et les troncs d’arbre, les montagnes et les falaises structurent les paysages pendant que s’installe, dans un registre vaporeux, tout un voile de réalité advenue mais non perceptible : le mouvement des vagues, le vent dans les petites branches des arbres, la course des nuages dans le ciel. Ainsi est présente dans ces images toute une succession de possibles, une somme de probabilités que nos yeux ne peuvent enregistrer. Nous voici en plein territoire de la poésie, du rêve éveillé. Derrière le visible se profilent des strates de réalité cachée, nous accédons au monde fantastique de l’imaginaire.
Une autre dimension sensorielle de ces photographies est l’immense silence qui semble les envelopper toutes. Nous pouvons sans peine imaginer le mouvement des vagues, sentir la caresse du vent mais, bizarrement, nous ne pouvons les entendre… L’auteur, pleinement conscient de cette dimension a titré une de ces séries « Mer de Silence », regroupant ainsi la référence à la mer source de toute vie, et le paradoxe d’une vie devenue totalement silencieuse.
Ce travail est profondément marqué par la volonté du photographe de se situer au plus près de la nature, au cœur de la vie végétale et minérale. Le règne animal n’étant présent ici qu’en une de ces probabilités évoquées plus haut ou bien par des métamorphoses rendues visibles par l’œil de l’artiste : arbre-cygne, arbre-femme … captées en leur lenteur, une lenteur qui constitue la seule possibilité d’existence dans le temps singulier de ce mode de photographie. Ces images n’ont pu naitre que d’un long travail (encore une fois la dimension temporelle s’avère essentielle à la lecture de l’œuvre) d’une observation très attentive des formes et de la façon dont la lumière les modèle. Cette empathie avec la nature était déjà à la source des travaux antérieurs du photographe, travaux qui magnifiaient la sensualité des formes en leur plénitude de vie. Le travail actuel avec la camera obscura s’inscrit dans un registre plus spirituel, plus intemporel aussi. Pour réaliser de telles images il a fallu beaucoup d’attention, une observation minutieuse mais aussi une certaine forme d’humilité (on ne commande rien à la nature) en même temps que de l’obstination et du courage. Il en faut en effet pour affronter au quotidien le principe d’incertitude qui règne en maître sur ce mode de réalisation : rien n’est jamais certain, les aléas d’une météo capricieuse peuvent ruiner à tout moment  le travail d’une journée entière. C’est un travail de lente maturation. Il faut imaginer le processus entier : observer, choisir  au-delà du visible, imaginer l’image en train de se former lentement pour déterminer par la force de l’expérience et de la concentration le cadrage à venir (il n’y a pas de viseur sur un sténopé !!!), accomplir le rituel de l’installation du pied, de l’évaluation du temps à accorder à la lumière, avant d’enfin, ouvrir le volet sur le trou minuscule, s’abandonner ainsi au temps et attendre… pour, bien plus tard, découvrir, peut-être, au-delà ce qu’on avait imaginé, la trace de ce que l’on avait pressenti.
Les multiples aspects de ce travail sont comparables à la genèse d’un arbre : la lenteur de la croissance, en permanence affectée par de multiples forces physiques et chimiques, la survenue des orages et des tempêtes, les conditions d’exposition à la lumière, le voisinage des éléments inscrivent l’arbre dans un registre de visibilité mouvant, passant de la plénitude et de la sensualité des formes de la jeunesse à des formes plus obscures, puis s’acheminant vers la disparition, la lente décomposition de la forme en éléments essentiels, carbone, oxygène qui alimenteront l’incessante activité de la nature.
Ce travail propose également une vision remarquable du paysage, non plus identifié comme un locus typicus, descriptif et borné, mais comme un emblème, une somme du « paysage lui-même » : transcendant le lieu et le temps. Il suppose de la part de l’artiste une persévérance absolue alliée à une audace permanente, celle de remettre en cause, à chaque fois, soi-même et l’ensemble du travail. On rejoint en cela la devise d’un autre grand maître de la photographie, Arno Rafael Minkkinen : Art is risk made visible

Il faut maintenant revenir aux images, elles vous appartiennent, à vous spectateurs ; les histoires que vous bâtirez sur elles seront empreintes de vos propres vies, elles vous seront personnelles. Seront-elles ou  non différentes des intentions premières de l’auteur ? peu importe, elle seront nées de son travail…
… et c’est ici que réside toute la magie de la photographie !

Noël Podevigne