” Juste avant le crépuscule. Lorsque la lumière se violace. Que les ombres se détachent.
Ils rentrent du travail. Ils sourient. Parfois, ils ouvrent une bière.
Peu après l’aube. Lorsque le matin réinvente la couleur. Que la lumière inonde tout.
Même les gens. Dont elle paraît transpercer les âmes. Ils paraissent tous plus grands.
Et un peu extraordinaires. Ils sont là, semblables et différents, aux mêmes moments,
d’un bout de l’Amérique à l’autre. Ils disent l’immense intimité de ce pays.
Pour un instant tout est clair, distinct. “
Alice Géraud
Troughout America
Near Garrison, North Dakota. 2011
La série “Troughout America” est présentée à Domus
Alaska
Dave Jude, Fairbanks, Alaska. 2013
La série “Alaska” est présentée à l’Enssib
Sébastien Erôme
est né en 1973 à Lyon.
Il est représenté par la Maison de photographes Signatures,
dont il a participé à la fondation en 2007.
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie, il s’installe en Egypte et débute en photographiant les fouilles du phare d’Alexandrie, préambule à une carrière de photo-journaliste.
En 2000, il intègre l’agence Editing. Photographe régulier du quotidien Libération, il collabore également avec la presse française et internationale.
Son travail sur les tribunaux populaires rwandais est récompensé au Festival du scoop d’Angers en 2002.
Depuis 2008, son approche de la photographie s’est éloignée de l’actualité et du photo-journalisme pour devenir plus documentaire et plus littéraire, puisant à la fois dans la réalité et la fiction. Construite sur des notions de traces, de présence, d’absence et de disparition, elle vise à interroger le spectateur plutôt qu’à lui donner des réponses.
Vernissage en présence des artistes le mardi 5 décembre à 18h30
“Indépendamment de ce qui arrive ou n’arrive pas, c’est l’attente qui est magnifique.”
André Breton
Que se passe t’il quand rien ne se passe, quand le temps se suspend et le présent s’absente ? La série prend le contre-pied de la fébrilité urbaine, caractérisée par l’agitation et l’intranquillité permanentes, en pointant ces moments particuliers où les corps se figent et les esprits s’évadent. Elle montre ici des individus immobiles dans une expectative indéfinie, énigmatique et questionne cet état d’attente, contemplation sans rien faire, cet “hors du temps” qui est aujourd’hui menacé. L’attente est un temps de suspension, de doute, mais c’est aussi le temps de la concentration et de la création.
A. Dauty
Photogénie de l’attente
Photographies d’Alain Dauty
Sous le titre « Territoires de l’attente », Alain Dauty collecte un ensemble d’endroits où des personnages semblent livrés à eux-mêmes dans ce qu’on appelle communément des temps morts. Le terme de « territoire », choisi par le photographe, marque bien qu’il s’agit de la conversion en espace d’une expérience humaine intime vécue dans la durée. Les scènes d’attente se produisent dans la rue, les halls de gare ou d’aéroport, au café ou dans un escalier, des lieux qui entourent une solitude individuelle ou collective. L’objectif de la photographie pétrifie ce temps incertain et variable qui parcourt l’intervalle dans lequel l’espoir, la crainte, l’ennui ou le vide s’emparent des hommes condamnés à la patience.
Dans chaque situation, le contraste des couleurs permet d’isoler d’un fond souvent sombre l’allure de ces gens abandonnés à eux-mêmes et la série photographique dresse alors une typologie du corps de l’attente. Les visages sont fermés, crispés, indifférents mais toujours détachés du monde extérieur. Le regard peut être plongé dans le vague ou tourné vers le ciel, les mains croisées, fourrées dans les poches, accrochées aux pages d’un journal ou agrippées à l’anse d’une valise. La stature corporelle connaît toutes les variations possibles : assise, debout, d’aplomb, dégingandée, couchée sur un banc, vautrée sur un fauteuil, pliée, affalée, arc-boutée, comme si l’inactivité imposait une apparence physique selon les vagues de léthargie, d’abattement, de lassitude, de prostration ou de sidération ressenties par les patients.
L’instantané photographique, en retranchant une strate de cette durée parfois interminable, permet de dramatiser ce temps de latence. Les plans larges d’Alain Dauty créent des atmosphères propices à l’évocation d’histoires de vie. Un homme seul, retenant sa tête dans ses mains, est assis dans une gare, près d’un distributeur automatique de boisson, et l’on dirait qu’il fond en larmes. Un autre, installé dans un Lavomatic, fixe le hublot de sa machine à laver derrière lequel l’entrelacs du linge dessine, à l’instant précis de la pose, une forme de Madone, comme si cette apparition maternelle fugitive répétait une angoisse d’enfance telle que décrite par Freud dans l’expérience du fort-da. On peut être très malheureux dans l’attente de quelque chose ou de quelqu’un.
Alain Dauty retrouve sans doute dans ses personnages des attitudes qui sont les siennes. L’attente, en effet, n’est pas seulement une disposition nécessaire à la pratique photographique, mais une conduite que les grands photographes cultivent à la manière d’une vertu.
“Le 11 mars 2011, un tremblement de terre de magnitude 9 ébranle le Nord-Est du Japon et provoque un spectaculaire tsunami dont les vagues atteignent plus de 30 mètres par endroits. Le monde entier découvre ces images terrifiantes qui tournent en boucle à la télévision avant d’être chassées par d’autres actualités. À commencer par une autre conséquence de la catastrophe : l’accident nucléaire de Fukushima.
Carlos et Guillaume se sont rendus rapidement sur place. Pour se rendre compte. Pour observer. Ils sont restés sidérés de ce qu’ils voyaient. Ils ont photographié non pour témoigner mais par nécessité, parce qu’ils étaient là et ne pouvaient en croire leurs yeux. C’est la démesure de la situation qui a transformé leur étonnement en projet. […]”
Les plus de 80 000 habitants évacués des alentours de la centrale nucléaire de Fukushima ont tous un jour été tentés de revenir voir leur maison, leur école ou leurs commerces. Certains pensaient même pouvoir y habiter à nouveau. Mais les années d’absence, les rongeurs ainsi que les effets du séisme et du tsunami de mars 2011 avaient rendu méconnaissables ces lieux autrefois familiers…
La série “Retrace our steps” est présentée à Domus
Comment montrer ce qui ne se voit pas ? Ce qui ne se sent pas ? Dans ces photographies, la fiction révèle le réel et non l’inverse. Les villes, les campagnes et les forêts sont divisées entre les zones possiblement contaminées et celles qui ne le sont pas…
Dans les villes les plus proches de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, plusieurs années se sont écoulées depuis le tremblement de terre. Les maisons et édifices abandonnés par leurs propriétaires tombent en ruines. Dans cet environnement où les gens ne vivent plus, la nature efface progressivement toute trace de l’homme…
La série “Nature” est présentée à Domus
Carlos AYESTA et Guillaume BRESSION ont obtenu le Prix Découverte en juillet 2017, aux Rencontres de la photographie d’Arles, où ils ont présenté “Retracing Our Steps, Fukushima Exclusion Zone – 2011-2016”
Le nom de Fukushima a succédé à celui de Tchernobyl pour devenir un terme commun qualifiant ce qu’il y a de pire dans le domaine des cataclysmes. En mars 2011, en effet, un tremblement de terre d’une magnitude maximale ébranle les côtes Nord-Ouest du Japon ; il engendre un tsunami dévastateur qui entraîne à son tour l’accident nucléaire de la centrale de Fukushima. L’ampleur de la catastrophe, ses contrecoups et rebonds, ont aussi déclenché un raz-de-marée médiatique et une avalanche de photographies rituellement couronnées, comme à chaque grande catastrophe, par une Icône : la Madone de Fukushima. Cet instantané de Tadashi Okubo centre, au milieu de décombres qui la cernent, Yuko Shujimoto, une jeune mère de famille de Ishinomoki (une ville située à 10 km de la centrale nucléaire) : isolée parmi les éboulis, elle se dresse, le port très digne, comme un monument statuaire qui porterait le point final à la rédaction photographique de l’événement.
Présents sur les lieux dès le début du désastre, Carlos Ayesta et Guillaume Bression conçoivent assez tôt le projet de documenter à long terme ce drame historique autrement que par des illustrations sensationnelles et éphémères, semblables à celles qui nourrissent l’actualité. Leur objectif est de composer une archive pour l’histoire qui utilise les ressources créatives et informatives de la photographie dans le but de présenter non seulement l’état des lieux dévastés à différents moments de leur évolution, mais aussi les conséquences humaines et les répercussions environnementales de l’accident. Entre 2011 et 2016, leurs explorations photographiques s’organisent autour des différents centres d’intérêt qu’ils souhaitent mettre en évidence.
La zone interdite constitue l’un des chapitres qui construisent cette archive visuelle. Carlos Ayesta et Guillaume Bression utilisent la couleur pour renforcer la neutralité de leur point de vue, évitant ainsi la dramatisation du sujet qu’apporterait le noir et blanc. Dans ce No Man’s Land beaucoup d’images sont prises la nuit, les lumières existantes ou les lampes frontales des photographes isolent le sujet et accentuent l’atmosphère d’abandon qui règne autour de ces restes de carcasses de voiture, d’une coque de navire échouée sur des gravats et de maisons désertées précipitamment. Un sentiment d’étrangeté parcourt les édifices presque intacts comme ces magasins et ces supermarchés sans consommateurs où les distributeurs automatiques de boissons exposent encore des cannettes multicolores qui ne rafraîchiront jamais personne. Les vestiges de la zone n’ont pas le charme des ruines anciennes qui ornent et recréent un paysage. Les planchers défoncés, les murs éventrés ne sont même plus des surfaces et les pylônes des lignes électriques dessinent dans leur inclinaison des graphismes inquiétants. Cet espace dévasté où plus personne n’habite semble l’empire de la désolation.
La série intitulée Bad dreams ajoute cependant une note poétique à cette esthétique du ravage. Les photographes ont laissé jouer les reflets du soleil à travers les lanières transparentes de plastique qui tressent dans l’air un treillis destiné à isoler les objets ou même des secteurs contaminés. Tantôt ce sont de fines barrières sorties de l’invisible qui traversent des rues ou des espaces forestiers, tantôt des emballages presque invisibles qui emmaillottent un frigidaire ou une pelle d’excavateur. Ces transparences pas tout à fait immatérielles forment aussi la substance de ces bulles mystérieuses qui laissent flotter un poisson dans l’air au bord d’un rivage ou qui protègent un jeune homme en costume-cravate au milieu d’un champ de roseaux plumeaux. On se croirait alors dans l’univers du roman 1Q84 de Haruki Murakami dans lequel des petits hommes tissent des chrysalides de l’air.
D’autres séries complètent l’approche esthétique de ce territoire exclu du monde visible : L’Effacement montre le recouvrement des lieux habités avant la catastrophe par une végétation qui a repris le dessus sur ce que les hommes avaient bâti. À Perte de vue est un ensemble de polyptyques consacrés aux entassements de milliers de sac et de tonneaux remplis de débris contaminés qui défigurent le paysage originel.
Le projet de Carlos Ayesta et Guillaume Bression trouve son accomplissement le plus abouti avec les témoignages des victimes de Fukushima. Revenir sur nos pas est une succession de portraits d’habitants de Namie, de Tomioka et d’autres villages situés à quelques kilomètres de la centrale nucléaire. Certains sont photographiés sur les lieux où ils ont vécu et travaillé, d’autres dans des villes plus éloignées où ils demeurent sans espoir de retour. Sous chaque image est retranscrit un extrait des propos qu’ils ont tenu pendant la pose. Ces témoignages de personnes évacuées, redécouvrant le monde qui leur fut ravi, ajoute à l’étrangeté des images l’expérience d’un univers familier devenu non-familier.
Vernissage le jeudi 8 juin 2017 à 18h30, en présence de l’artiste
” Promeneur solaire, Christian Poncet fait entrer par un trou d’aiguille les bords des lacs, la lumière et les ombres, toute une géométrie sensible et de petits personnages vibrants. Puis de la chambre « obscure », patiemment, il fait naître une flopée d’images que l’on contemple comme un songe d’éternité. “
Marie Noëlle Taine
« D’un rivage à l’autre »
Ce matin, comme tant d’autres depuis deux ans, je prends ma voiture et suis la petite route sinueuse, à l’affût d’un bout de plage, ou d’un petit port qui jalonnent, çà et là, les cent soixante-dix kilomètres de rives du lac. Mes arrêts sont fréquents et un rien m’émerveille : ce vieux ponton délabré, une barque parfaitement immobile sur une eau sans ride, ou un plongeoir dressé au–‐dessus du lac. Parfois, un riche propriétaire m’ouvre sa porte et m’autorise à poser ma « boîte » sur son ponton « privé ».
Les sujets ne manquent pas mais je dois économiser mes vingt négatifs logés dans de lourds châssis en bois fragiles et usés. Pas question de mitrailler, la camera obscura exige du temps, de la lenteur en parfaite harmonie avec ce paysage tranquille et la langueur légendaire de cette région. Le trépied est maintenant calé sur les rochers et je m’applique à trouver la bonne inclinaison de la chambre –‐ sans viseur, l’opération est périlleuse et le cadrage hasardeux ! L’obturateur est maintenant ouvert et je vais devoir attendre, fébrile, pendant de longues minutes, en priant que rien ne vienne anéantir l’immobilité de la scène. Soudain, un cygne entre dans le champ et glisse doucement sur l’eau. Je ne lui en veux pas car je sais pertinemment que mon sténopé l’ignorera.
Sur le chemin du retour, je me remémore les vingt prises, partagé entre l’angoisse et l’impatience qui se dissiperont une fois seulement dans la pénombre de la chambre noire. Là, le processus de création va se poursuivre et les trois ou quatre images retenues seront « travaillées », « manipulées » jusqu’à ce je retrouve, couchées sur le papier, la sérénité de ce « moment décisif », l’empreinte du temps que seul le sténopé sait enregistrer et nous faire partager.
Demain, je repartirai et continuerai cette lente aventure.
Vernissage le jeudi 9 mars 2017 à 18h30, en présence de l’artiste
Along the road : on the sidelines of the Tour de France
” Mr. Cipriani does not really consider his series to be about the Tour de France, or its supporters. Last year was the 100th anniversary of the race, and he wanted to take a portrait of France that conveyed a particular point in time. He likens his project to a series of pictures taken by the photographer Paul Fusco when he rode the train bearing the body of Robert F. Kennedy to Washington from New York in 1968 and turned his camera on the crowds that gathered to watch it pass. “
In New York Times –‐ Lens blog, « On the Sidelines of the Tour de France », July 2014
J’ai fait cette photo pendant le tour de France 2013. C’était la troisième fois que je suivais le tour pour l’agence AP, à l’arrière d’une moto. La première, j’avais été frappé par le monde dans la rue : des supporters, mais aussi des curieux qui sortent de chez eux juste pour voir. Personne ne faisait attention à moi, les gens étaient concentrés sur le tour. Ce monsieur est mystérieux, je ne sais pas ce qu’il regarde… J’ai l’impression d’avoir saisi un moment suspendu.
Laurent Cipriani, in 6 Mois –‐ Les dessous de l’image, “Un moment suspendu”, Juin 2014
à l’ Enssib : Sur mes terres – Photographies de Robert Abraham
Dans cette série, la relation de Robert Abraham au paysage est singulière : toutes ces prises de vues ont été réalisées lors de périples, la plupart du temps en solitaire, dédiés initialement au sport : vélo, randonnée pédestre ou course à pieds. Ainsi certaines images proviennent d’un tour de France à vélo qu’il a effectué en solo il y a quelques années. Marathonien, il est coutumier de l’effort intense et prolongé. Il y puise une concentration particulière qui, selon lui, le conduit à une perception accrue des formes du paysage, des rythmes, des lignes et des couleurs… À propos du titre de la série : les images sont puisées, pour la plupart, aux parcours familiers de ses terrains d’entraînement favoris, aussi éprouve-t‐il une proximité affective très forte avec ces lieux.
Ingénieur en physico-chimie à l’université Claude Bernard Lyon 1 pendant 25 années et retraité depuis 5 ans, Robert Abraham pratique la photo depuis longtemps aussi bien en noir et blanc qu’en couleurs ; le paysage, au sens large, reste son territoire de prédilection.
Vernissage le jeudi 19 janvier 2017 à 18h00, en présence de l’artiste
Projet réalisé lors d’une résidence artistique à Langage Plus,
Centre d'art actuel d’Alma, Québec ; en collaboration avec le Centre Sagamie,
dans le cadre des programmes Map et PÉPINIÈRES IN NETWORKING
des Pépinières européennes pour jeunes artistes,
Projet cofinancé par "Europe Créative" de l’Union européenne
et une bourse du Conseil des arts et des lettres du Québec.
Nord du Québec, région du Saguenay ‐Lac‐Saint‐Jean. Il faut bien habiter l’hiver.
Prendre son parti de tout ce blanc qui ne veut pas refluer.
Et comme on se jette à l’eau, se jeter dans ce froid qui ne pince même plus,
engourdi de lui‐même.
[…]
C’est à une balade sur ce territoire que nous convie Lucie Jean, qui suit sa propre trace émerveillée entre banquise rêvée et camping des flots blancs. Manuel George
Couleurs du silence
Des paysages du Grand Nord photographiés par Lucie Jean,
on ne retient de prime abord que la forme de tableaux où de larges plages de couleurs claires se différencient par de subtiles tonalités. La blancheur des vastes étendues de banquise, ombrée par endroits, côtoie les masses grisées des nuages qui occultent partiellement un ciel bleu pâle.
C’est dans ce cadre qu’on dirait informel ou abstrait, s’il s’agissait de peinture,
que la photographie discerne des signes de présence humaine,
de petites habitations solitaires dans un désert de glace.
Les plans choisis par Lucie Jean, qu’ils soient éloignés ou rapprochés,
amplifient l’impression de silence qui règne autour de ces lieux de vie. Quand ils sont vus dans l’immensité des vallées glaciaires, ces édicules semblent inaccessibles comme le leurre des mirages
et ils forment de petites taches vives qui, contrastant avec l’uniformité froide du paysage,
intensifient l’effet d’une composition informelle. Quand l’objectif se rapproche
de ces macules perdues dans le fond clair, il révèle des abris aux allures les plus diverses :
une remorque reposée sur trois crics, une roulotte, un petit mobil-home surmonté d’une cheminée,
un wigwam, un appentis peint en bleu ou tout simplement une cabane faite de quatre planches.
Ces cahutes ne constituent pas un village ; elles marquent chacune leur place
par des couleurs chatoyantes dans la neige qui s’étend à perte de vue.
Lucie Jean a pourtant aligné et regroupé en colonnes ces maisons d’un autre monde
en utilisant un dispositif de présentation proche de celui de Bernd et Hilla Becher pour leurs photographies de bâtiments industriels. Mais tandis que les séries des photographes allemands mettaient en évidence la similarité typologique des édifices, les séries de Lucie Jean manifestent,
au contraire, la singularité de cet habitat aussi bien dans les matériaux employés
que dans les couleurs librement choisies par leurs propriétaires.
Rien ne se répète dans ces séries qui sont avant tout centrées sur un mode de vie.
La photographe a séjourné pendant deux mois d’hiver auprès des populations de la région du Saguenay-Lac-Saint Jean, où, chaque année, des familles ou des personnes solitaires prennent leurs quartiers d’hiver dans ces abris faits de bric et de broc. La « pêche blanche » qui se pratique à l’intérieur même de ces cabanes est l’occasion de cette migration. Tout le talent de Lucie Jean consiste à raconter cette histoire, à en produire un reportage à partir d’un cheminement esthétique remarquable.
à l’ Enssib : Winter – Photographies de Jean Vannier
Les photographies de l’exposition Winteront été prises au cours de promenades hivernales dans des environnements variés : le Queyras près d’Abriès, le parc de la Tête d’Or
ou les pentes de la Croix-Rousse à Lyon. Des atmosphères hivernales sont restituées grâce à une technique particulière de prise de vue. Le photographe utilise son appareil photo comme un pinceau de calligraphie pour balayer le paysage le temps d’une pause un peu longue.
Jean Vannier est paléontologue à l’université Claude-Bernard Lyon 1, au laboratoire de géologie de Lyon “Terre, Planètes, Environnement”.
Enssib : Laure Abouaf – Guillaume Ducreux – Zacharie Gaudrillot-Roy. Domus : Mélania Avanzato – Hélène Katz – Antoine Ligier.
Vernissage en présence des artistes le mardi 6 décembre : 18h00 à l’Enssib 18h30 à la Galerie Domus
Les temps Par les temps qui courent
Courent-ils vite Où courent-ils
Les temps présents
Présents aux temps
Des images cueillies dérobées
silencieusement recueillies
dans les plis des temps
des temps présents
Des images à la tire au vol
au contraire réfléchies longtemps
De jeunes personnes aux regards habités
légers décalés pénétrants
tous réfléchissants
De jeunes personnes qui réfléchissent
les temps présents
Marie Noëlle Taine
Laure Abouaf Japon 2015
L’ordre et l’impermanence C’est en gaijin que Laure Abouaf appréhende le Japon, en “personne extérieure”, éclairée,
qui se sent depuis longtemps une
proximité avec ce pays. […] Une sensation ressentie par toute personne ayant vécu ou juste traversé Tokyo, ou d’autres grandes villes nippones. Tokyo est une ville où il est difficile d’accrocher ses nostalgies, disait Phillippe Pons, et c’est pourtant ce tour de force que réussit Laure Abouaf dans ses images japonaises, un état subtil entre le mono no aware, ce concept spirituel et esthétique qui décrit une empathie pour les choses, une sensibilité pour l’éphémère,
et la conscience du carcan d’une harmonie quasi obligatoire..
[…] Mélania Avanzato
Guillaume Ducreux Black sunflowers
“Dans l’à peu près d’une existence.
Fixer pour mieux me raccrocher
à ce qui est déjà loin.
Les ombres m’illuminent.
Ce soleil noir me pousse sur une route sans fin.
De l’aurore au crépuscule
tout est vaporeux et distant.
Comme un cri dans la brume, je respire.”
[…]
Mes paysages intérieurs et leurs échos se font face dans une troublante singularité
Sensations viscérales qui surgissent comme une évidence au détour d’un virage. Une vérité flottant loin là-bas dans les brumes de l’horizon.
[…] Guillaume Ducreux
Zacharie Gaudrillot-Roy Dusk to dawn
FADE IN : EXT. LOS ANGELES – NIGHT
Un parking vide perché au dessus de la ville, les lumières d’une vie distante scintillent au loin, âmes perdues dans le brouillard urbain. Le décor est planté. […] Là bas, un lampadaire accueille le spectacle vide d’une dramaturgie latente. Quelque chose s’est sûrement passé ici… ou peut-être que cela va arriver. […] Les regards se dirigent vers le lointain, nous attendons la suite, une possible scène, un dénouement. Mais l’action reste hors champ.
FADE OUT.
Mélania Avanzato Substrat
empreintes des temps enfouis […]
dans le flot des choses vues, où l’intérêt est suspendu au profit de l’émotion, il se crée des images extraites de moments que l’on voudrait toujours revivre pour la première fois.
Ces photographies sont une couche sous-jacente, terrain primitif, presque naïf, sur lequel pousseront des images plus organisées.
[…]
Substrat accueille les accidents, les intuitions errantes d’avant la pensée construite.
Mélania Avanzato
Hélène Katz Corps & âme
Quelques horizontales, verticales et obliques, des regards lascifs ou joueurs. Des personnalités singulières en somme. Hélène Katz a extirpé de son journal de photographe lyonnaise ce qu’elle considère comme son parcours particulier. C’est sa vie de citadine qui se retrouve projetée parmi une nuée d’images, au sein de laquelle les sujets tentent en vain de s’évader. Par le jeu essentiellement, par des dissonances stylistiques, qu’elles soient voulues ou non. À mesure que l’on suit les photos d’Hélène, on remarque que des affirmations d’appartenance se constituent entre l’urbain et son décorum. Elle révèle des situations cocasses qui rendent leur humour au béton.
Gregory PYRUS
Antoine Ligier Madame Arthur, histoire d’une disparition
Madame Arthur, cabaret transformiste de la rue des Martyrs, à Pigalle, représentait une certaine identité parisienne. Celle d’une nuit joyeuse, exubérante et créative. Une nuit qui a, pendant si longtemps, fait la renommée de Paris, la ville lumière.
Madame Arthur est morte.
Cette série de 10 photographies a été réalisée en 2012.
Aux côtés de Marc, transformiste orphelin de Mme Arthur, et au sein même du cabaret à l’abandon… C’est l’histoire d’une disparition.
Café photo, en présence de l’artiste Julien Minard le 8 novembre de 13h à 14h à la Galerie Domus !
« Les photos ont été faites lors de voyages entre 2007 et 2016. J‘ai choisi, pour constituer cette série, des photographies qui évoquent l’idée d’absence, soit individuellement, soit de façon plus narrative dans leur rapprochement avec d’autres. Le titre provient du film du même nom de Kore-Eda. Cet auteur, parmi d’autres réalisateurs japonais, est une référence importante pour moi. Il se trouve que ce film traite aussi de la disparition, et donc de l’absence. »
Au premier abord, la série Distance de Julien Minard déconcerte les amateurs de son œuvre habitués à ses périples à travers le monde et en Asie en particulier…
[…]
La diversité des sujets photographiés propose donc bien des instances de distanciation, mais la distance qui donne son titre à la série est d’une autre nature. Julien Minard prend soin, en photographiant un fjord, de saisir le miroitement complet de la vallée dans la mer, de manière à opposer la réalité et son image dans une seule et même vue. Ce reflet qui mène à l’image est la métaphore d’une distance avec lui-même, d’une prise de conscience que photographier ne consiste pas seulement à raconter le monde, mais à le représenter quand il s’est réfléchi à travers soi. Les images choisies pour la série Distance ne nous révèlent pas autre chose que ce secret : il faut parfois aller très loin, voyager beaucoup pour se trouver au-devant de l’image que l’on possède déjà en soi-même.
Agrégé en arts plastiques (2005) et diplômé ingénieur INSA en construction mécanique (2001).
En 1997, je commence à pratiquer la photographie.
2007-2008, je séjourne un an en Inde.
PUBLICATIONS
Les séries Distance, Vanités, METAL BAZAAR et Portraits/Situations ont fait l’objet d’un catalogue dans la collection seize et demi, éditée par l’université Claude Bernard Lyon 1.
# 2016 – Galerie DOMUS – Université Lyon 1 – « Distance »
# 2015 – Galerie L’Abat-jour, Lyon – « SLEEPERS »
# 2015 – Galerie l’Œil Vintage, Lyon – « Etats des Lieux »
# 2014 – ENSSIB, Lyon – « METAL BAZAAR »
# 2013 – Cité Niepce-Balleure, Châlon-sur-Saône – « METAL BAZAAR »
# 2012 – Galerie DOMUS – Université Lyon 1 – « Vanités »
# 2010 – Pavillon du Verdurier, Limoges, Itinéraires photographiques en Limousin – « METAL BAZAAR »
# 2010 – Galerie DOMUS – Université Lyon 1 – « METAL BAZAAR »
# 2006 – Bibliothèque Universitaire de l’Université Lyon 1 – « Portraits/Situations » (suite) et « Série du dimanche »
# 2005 – Médiathèque Philippe Vial, Voiron, 17ème festival « La photo fait son cinéma » – « Portraits/Situations »
# 2003 – Galerie DOMUS – Université Lyon 1 – « Vestiges »
EXPOSITIONS COLLECTIVES
# 2013 – Galerie DOMUS – Université Lyon 1 – « AILLEURS »
# 2013 – Hochschule, Wismar, Allemagne, “Du Rhône à la Baltique” – « Vanités »
# 2013 – Représentation du Land de Mecklenburg-Vorpommern auprès de l’UE, Bruxelles, Belgique – « Vanités »
# 2010 – Maison de l’Espagne, Aix-en-Provence, PHOT’AIX 2010 – « Vanités »
# 2007 – INSA, Hall des expositions du centre des humanités, Lyon – « Persistent et signent… » Commissaire de l’exposition : Noël Podevigne.
# 2007 – Ecole Buissonnière, Paris – « Silence ou presque »
# 2006 – APACC, Montreuil.
# 2006 – Galerie La Maison du Bailly, Epinal – « D’homme à Homme », exposition du collectif Envol, présentée par Patrick Jacques.
# 2003 – L’indépendance, Paris – « L’indépendance comme asile »
Vernissage le jeudi 9 juin 2016 à 18h30, en présence de l’artiste
“Mirage” est une série d’autoportraits fantastiques et mouvants. L’être, rendu insaisissable par la longue pose, se métamorphose. Le temps s’imprime sur l’image fixe, dans les mouvements d’un corps, qui, petit à petit, s’épanouit. Chemin faisant, la jeune photographe Sandrine Laroche nous conduit aux frontières du réel et du mystère de soi.
L’épreuve du mirage
Peut-on attribuer à l’autoportrait les caractéristiques du portrait psychologique ? Nadar, en maître de la lumière qu’il était, s’y est essayé en modifiant l’expression de son visage selon des tonalités claires ou obscures jusqu’à décliner une variation de mimiques émotionnelles. Mais l’entreprise n’est pas simple, car elle suppose que les états d’âme puissent s’inscrire en marques visibles sur le corps et qu’alors, une lecture obvie de la psychè soit rendue possible. Sandrine Laroche a voulu affronter ce défi à partir de plusieurs stratégies visuelles. Dans la série Fantasmagories, elle rehausse par des signes de vie des tirages photographiques effectués à partir de radiographies. Avec la série De Profondis, elle applique son regard à fleur de peau : elle associe la beauté des formes du corps nu aux dégradations superficielles d’un mur délabré. Dans chaque image, la surimpression parfaitement maîtrisée modifie radicalement la surface de la peau, lui prêtant des lézardes, des fissures, des ébrèchements, des granulations et des déchirures qui, loin de paraître rapportées, se présentent comme des efflorescences ou des émergences d’une détérioration intime et profonde.
Aussi splendides que soient ces premières approches, elles ne constituent que les étapes d’un projet perfectible où le corps, seul en scène, projetterait lui-même quelques indices de lecture des passions de l’âme. Sandrine Laroche a développé cette nouvelle visibilité dans une série de photographies qu’elle intitule Mirage. Ce titre, qui peut paraître surprenant, constitue en réalité un guide de lecture des photographies, Continuer la lecture →