Archives de catégorie : Expositions

Marguerite Rouan, Il me reste un papillon dans le ventre – PROLONGATIONS

du 30 janvier au 15 avril 2024

L'exposition est prolongée jusqu'au 5 avril 2024 !

L’exposition

Comment les objets quotidiens ont-ils intégré nos existences ? Jusqu’à quel point l’imagerie médiatique populaire influe-t-elle sur nos croyances et nos identités ? Si ces productions de masse ont à coup sûr rencontré nos nécessités pratiques et affectives, l’intérêt de Marguerite Rouan à leur endroit réside aussi dans leur mode de fabrication et dans leur diffusion : ils portent le récit d’une réalité économique globalisée avec les terribles dérégulations morales et sociales qui l’accompagnent. Ils marquent aussi l’omniprésence du commerce, qui rattrape nos vies intimes, et que l’artiste appelle le « capitalisme sentimental ».

Cette culture populaire, la plupart du temps délégitimée par l’institution culturelle, constitue la ressource de Marguerite Rouan. L’objet de consommation, l’imagerie médiatique et sa diffusion deviennent les symboles universels des passions humaines dans ses photographies traversées par la dérision et l’humour. Pour incarner des sentiments – ici la tristesse – rien de moins qu’une nature morte au cœur de bœuf transpercé d’un couteau, dans un diptyque reprenant les codes de la peinture classique. Pour venger les victimes de slut shaming, elle imprime des images comestibles représentant les auteurs du lynchage médiatique ; le public est invité à avaler les indésirables dans une communion anthropophage. Pour rappeler l’absurdité (et parfois la violence) du langage amoureux imprégné d’abréviations SMS, elle imprime des TKT et des JTM sur des mouchoirs apotropaïques.

Par la simple présentation d’objets ordinaires, Marguerite Rouan soulève de nombreux enjeux, notamment ceux du pouvoir qui sous-tend les pratiques culturelles – ce qu’elle confirme en se réclamant des cultural studies. Chaque œuvre comprend de multiples niveaux de lecture : reprise critique de styles, valorisation d’une culture populaire, dévoilement des systèmes de  domination, mise en évidence des liens entre individuel et universel… construisant une œuvre critique appuyée sur la force des sous-cultures.

L’artiste

Marguerite Rouan est née en 1996 aux Lilas. Elle vit et travaille à Lyon. Elle est résidente aux ateliers du CAP Saint-Fons depuis décembre 2023.

Diplômée des beaux-arts de Lyon en 2022, elle utilise différents médiums tels que la photographie, la vidéo et la fabrication d’objets pour interroger la représentation des sentiments à travers des symboles communs. En s’appuyant sur les Cultural Studies, elle explore le langage symbolique des objets sentimentaux de la culture mainstream contemporaine. Sa démarche artistique repose sur la rencontre avec des objets ou des images collectés. Son travail cherche à susciter une réflexion sur la connexion entre nos expériences individuelles et la mémoire collective.

Réouverture de la Galerie avec : Lise Dua, A l’épreuve du temps

du 12 septembre au 15 décembre 2023
Vernissage mardi 12 septembre à 18 h. Entrée libre et gratuite
Café photo le mardi 14 novembre 12 h 30 à 13 h 30 et visites guidées jusqu’à 18 h.

La Galerie Domus fait enfin son retour avec une grande exposition de l’artiste Lise Dua, qui travaille sur la photographie de famille. Venez découvrir son travail et échanger avec elle.

L’exposition

L’exposition À l’épreuve du temps est composée de deux séries de la photographe Lise Dua : Les loyautés (2019-2021) et Une vie (2023). Les loyautés se présente sous la forme d’un corpus de photographies, de tracés et de découpes sur papier. À partir d’albums de famille, la photographe s’est intéressée aux gestes qu’elle voyait se répéter d’un album à l’autre, d’une génération à l’autre. Lui sont apparus des détails, des fragments qu’elle a recadrés, recomposant ainsi de nouvelles images. Ces images, ensuite assemblées sous la forme de diptyques, mettent en relation deux corps à travers les années. Entre le noir et blanc et la couleur, le passé et le présent, ces photographies nous interrogent sur la transmission, ce qui nous lie. La multiplicité des vécus se retrouve fusionnée en un seul corps qui traverse les époques et les individus : le corps familial.

Une vie se déploie sous la forme d’un livre en leporello composé d’une cinquantaine d’images. Que retient-on de l’existence d’une personne ? C’est ce que Lise Dua a voulu interroger à travers ce livre qui retrace la vie de sa grand-mère, de sa naissance à sa mort, en collectant dans ses albums de famille, une image par an. Le cadrage est resserré sur le visage, le noir et blanc annule les époques, seuls les traits de son visage nous captivent. C’est bien elle, dans toutes les photographies, et pourtant, nous avons l’impression de multiples métamorphoses. Le temps imprègne les traits de son visage, sa posture et la manière dont elle est habillée. Au fil des années et des modes, seul son sourire persiste, et toujours cette même adresse au photographe. Cette série explore, outre l’histoire de la construction de l’identité d’une femme, l’histoire du médium photographique lui-même. D’une image à l’autre le grain change, la technique évolue et les postures se relâchent. En moins d’un siècle la photographie s’est métamorphosée, sous le regard des personnes photographiées.

L’artiste

Lise Dua, née en 1989 à Chambéry, est diplômée d’une licence en Arts Plastiques en 2010 et de l’École de la Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles en 2013. Prenant pour objet d’observation le visage, elle développe une recherche autour de l’image de soi et de la relation à l’autre dans des projets au long terme. Elle emprunte à son histoire personnelle pour mettre en lumière la construction de l’identité et la transmission familiale. Souvent présentées sous la forme du livre, ses images questionnent le double, la répétition et la relation de l’individu au temps à travers des images personnelles ou des images d’archive.

Son travail a été exposé en France lors d’expositions personnelles et collectives à la Conserverie un lieu d’archives, Metz, au Bleu du Ciel (Lyon) et lors de festivals comme Itinéraires des photographes voyageurs (Bordeaux), ManifestO (Toulouse) ou en Suisse lors de la Nuit de la Photo (La Chaux-de-Fonds). En 2021, elle est nominée avec son livre ‘Je n’écris plus pour moi seule’ pour le prix Révélations du livre d’artiste, soutenu par le salon MAD et l’ADGAP. Elle seconde lauréate du prix Libération Apaj en 2015, du prix Canson en 2013.

Autres projets

Le livre de Lisa Dua Les Loyautés est lauréat du prix HiP juillet 2023, catégorie auto-édition.

Le prix HiP est donné par le magazine Compétence photo, périodique de référence dans le monde de la photographie. Chaque mois, un jury distingue trois Livres du mois, deux ouvrages en édition et un ouvrage en autoédition.

Ses Loyautés – décrites tels des pactes scellés – se conjuguent alors simultanément,
sous nos yeux incrédules, aux présent et passé composés

Gérald Vidamment

Rémy MATHIEU – Architectures en pointe & Paysages habités

du 6 octobre au 11 décembre 2020

Vernissage en présence de l’artiste mardi 6 octobre à 18h00
à l’Enssib
École nationale supérieure des sciences de l’information
et des bibliothèques

17/21 boulevard du 11 novembre 1918 – 69100 Villeurbanne

Exposition conjointe de l’Enssib et de la Galerie Domus-Université Lyon 1

Architectures en pointe

Américaine #6

En privilégiant un angle de vue particulier sur les immeubles de sa ville, Rémy Mathieu ravive le souvenir des pyramides. Une contre-plongée systématique à l’attaque des angles des buildings confère un élancement triangulaire à chacune des constructions qui n’était d’abord qu’un cube ou un parallélépipède de béton.
Les bâtiments défilent les uns à la suite des autres en se présentant à première vue comme les multiples d’un même ensemble, ou plutôt comme engendrés par une même matrice. A décrire ainsi verbalement ce travail, on pense inévitablement à une œuvre qui s’inscrit dans la ligne de la Nouvelle Objectivité ouverte par Berndt et Hilla Becher et cette impression serait renforcée par le fait que chaque photographie est accomplie à la suite d’un protocole de prise de vue rigoureux et systématique.

Mais à y regarder de plus près, cette méthode n’a rien d’une reprise et n’est nullement liée à un effet de mode. Rémi Mathieu est un adepte de la photographie d’architecture et ses œuvres antérieures montrent depuis le début de sa carrière une rigueur technique rompue à la restitution de l’âme géométrique du bâti.
L’aspect répétitif qu’impose l’exposition de ces cadrages sur les édifices n’aboutit jamais à une idée de collection visant à démontrer la similitude des plans urbains en quelques lieux de l’Europe où ils se trouvent saisis par la photographie. Au contraire, le mode de visualisation par angularité choisi par Rémi Mathieu constitue une instance de différenciation.

Cathédrales #3 #1 #4

Chaque section pyramidale de ces immeubles de banlieue ou de campus universitaire est rangée dans une série signalée par un titre : ainsi les Citadines arborent des façades où bâillent des terrasses tandis que les Américaines déroulent leurs damiers de fenêtres miroitantes sur des plans curvilignes. Et dans chaque série, les cadrages identiques permettent de repérer les nuances de styles architecturaux, comme on discernerait des différences de variables dans une suite de fonctions mathématiques. Cette dernière impression est accentuée par la tonalité des tirages qui oriente notre admiration vers les lignes de force qui stabilisent l’érection de ces constructions : les surfaces sont épurées, éclaircies ou assombries par endroits, pour faire ressortir le dessin du plan architectural.

Pour autant, ces images ne basculent jamais dans l’abstraction pure ; elles découvrent à travers une vision sensible la charpente invisible des blocs de béton qui font l’ordinaire des zones périphériques urbaines. Ainsi, le point de vue adopté, systématiquement répété dans chaque prise de vue, s’attache à cette dimension oubliée par le passant dans le paysage architectural : l’élévation. Et comme s’il ne suffisait pas de montrer le gravissement des appareils muraux, le photographe rend visible dans la représentation des façades en surplomb le mouvement même de son regard attiré par le faîte.
Ce parti pris d’optique a pour effet, par la puissance d’un seul regard, de changer le monde, d’opposer à la matérialité imposante du paysage urbain l’écoute spirituelle des harmonies et des lois d’une mathématique toute intérieure qui s’expose dans le cadre photographique comme une vérification poétique de celle de l’architecte.

Robert Pujade

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Paysages habités

Tête de chat

Il arrivera un jour prochain où les ressources en énergies fossiles seront épuisées. Il arrivera aussi un jour où les centrales nucléaires s’arrêteront définitivement, soit par manque de matière première, soit par conscience écologique. Ainsi, les grandes autoroutes reliant les centrales aux grandes agglomérations n’auront plus lieu d’être. Les pylônes de très haute tension seront déconnectés, démantelés, sans fonction, esseulés dans le paysage. C’est le projet que je développe depuis 3 ans maintenant, dans la plaine de l’est lyonnais, dans le prolongement de la centrale du Bugey, mais aussi dans la plaine d’Alsace entre la centrale de Fessenheim et Mulhouse, et à l’avenir, dans d’autres territoires. Il s’agit de montrer un paysage fictionnel, par une photographie d’anticipation, dans un esprit proche de celui de Bernd et Hilla BECHER, mais aussi de celui de la mission photographique de la DATAR.

Rémy Mathieu, 2020.

Muguet

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De la subjectivité en photographie

Un photographe peut-il choisir pour sujet un quelconque matériel industriel sans qu’on rapporte son travail à la Nouvelle objectivité ? Intégrée à l’art contemporain, cette tendance, qui utilise la photographie de façon protocolaire et ultra rigoureuse, a banni de son champ de visée l’environnement de « l’objet » pour ne montrer que son entièreté, dans ses aspects géométriques les plus austères. Comme pour combler cette absence, Rémy Mathieu, avec toute la rigueur qu’il a su déployer dans son œuvre, entreprend un inventaire des pylônes électriques dans les campagnes du lyonnais et de l’Alsace en offrant la part belle à la poésie paysagère, étrangère au modèle objectiviste.
La règle de composition de ces paysages habités – comme il les appelle – consiste à cerner son sujet sur fonds de ciels légèrement chargés qui atténuent les éventuels contrejours et opposent une matière ouateuse à la dureté des membrures et de l’armature des pylônes. Chacune des prises de vue campe ainsi l’objet dans une attitude totémique, à la fois implanté dans la terre et élancé vers la voûte céleste. Pratiquée comme une ascèse de la prise de vue, cette règle du cadrage, réitérée tout au long de la série, dénote un regard spirituel en mesure de transmuer un emplacement anodin en un paysage choisi.
Tout en créant ses paysages, Rémy Mathieu accomplit sa mission toute personnelle de répertorier les différents modèles de pylônes auxquels les ingénieurs du monde industriel ont attribué des noms inspirés par les formes des assemblages métalliques. Cette nomenclature n’a rien de scientifique et s’est établie selon des analogies oiseuses. Au faîte du pylône nommé « Chat », une structure pentagonale pourrait rappeler – à condition qu’on y veuille penser – le minois d’un félin. Le dénommé « Mae West » est bâti sur des jambages écartés surmontés par des barres d’acier en V qui durent évoquer à certains la silhouette d’un torse féminin.

Le surnom de « Muguet », dévolu à un monopode, doit pouvoir s’expliquer par la position des pendentifs d’accrochage des câbles. D’autres pseudonymes sont plus obscurs et deviennent de simples sobriquets : Le « Trianon » ressemble à un portail, le « Beaubourg » à une pagode. Rien de poétique dans ces dénominations qui sont des moyens commodes pour rassembler sous des catégories la pluralité des modèles et n’ont qu’un rapport décalé avec chaque spécimen. Le répertoire photographique, au contraire, n’a affaire qu’à des individualités et l’image à elle seule, contrairement au nom, délimite subtilement la présence du pylône, découvrant alors qu’elle n’a de sens que par le tableau du monde qu’elle institue.
Dans le rapport de convenance que crée le photographe entre la chose et son entour, une vérité singulière apparaît, lumineuse, éminemment subjective et marquée par la délicatesse d’un regard admiratif. Les architectures lourdes de plusieurs tonnes deviennent des interventions graphiques très fines parmi le libre cours des broussailles et des futaies, comme une exposition de croquis en pleine nature, une transfiguration de cet immobile mobilier champêtre en charge d’une matière imperceptible, l’énergie électrique. L’inventaire que propose Rémy Mathieu est celui d’une multiplicité de métaphores possibles qui nous permettent de voir, en place de pylônes, des spectres d’escogriffe qui hantent la campagne ou des épouvantails filiformes qui se dressent comme des sentinelles du néant.
Cette série exemplaire n’est pas un rajout, même dissident, à la Nouvelle Objectivité, mais une œuvre qui contribue au renouveau exaltant de la subjectivité en photographie.

Robert Pujade

Trianon

Sandrine Laroche, Éric Le Roux, Pascal Michalon, Christian Poncet, Marie Noëlle Taine – CAMPUS

du 3 mars au 24 avril 2020

Vernissage en présence des artistes mardi 3 mars à 18h30

Christian Poncet

” La visite photographique d’un complexe universitaire doit nécessairement composer avec l’import péjoratif du terme « campus » lié au phénomène historique et social du « camp ». Même si la désinence « us » en relève le sens par allusion à la culture latine et par référence aux facultés américaines, il reste que les lieux qu’on appelle de ce nom sont des espaces d’enfermement, proches à certains égards des centres de détention ou de santé publique. Une même absence d’horizon unique favorise la multi-location de territoires aux superficies variables qui, pourtant, se ressemblent tous.

À l’encontre de ces évocations de monotonie et de sévérité architecturale auxquelles le mot seul fait penser, cinq photographes ont entrepris de rassembler dans une même exposition leur expérience visuelle du Campus de La Doua à Villeurbanne, prouvant par là-même que la pluralité des points de vue révélait une diversité esthétique tout à fait surprenante. Avec un style propre qui tient à leur pratique du paysage urbain ou naturel ou encore à leur technique particulière ils sont parvenus à montrer les aspects insoupçonnés de cet univers de béton que nous ne saurions voir…


____________________________________________________________________________ Marie Noëlle Taine

Marie Noëlle Taine


Les images de Marie-Noëlle Taine proviennent d’une délicate attention à la variété des couleurs. Les façades des grands bâtiments aux multiples fenêtres en nids d’abeilles présentent une large échelle de gris relevée par la verdure jaunâtre des pelouses ou, dans un plan rapproché, par le reflet d’une vitre qui ouvre sur un ciel bleu. Des préfabriqués auxquels on ne prêterait aucun regard sont cadrés de telle sorte qu’ils deviennent le support d’un bel assortiment de bleu, de rouge et de blanc. La couleur semble la préoccupation essentielle de ces prises de vue et, dans les variations d’une même tonalité, c’est elle qui délimite les formes géométriques.


Éric Le Roux_____________________________________________________________________________________

Eric Le Roux

Éric Le Roux s’intéresse plus particulièrement aux couleurs naturelles, comme si le campus de son reportage émergeait en pleine nature. D’immenses gerbes d’herbe folles couvrent la vue des édifices rectilignes, un tronc d’arbre impressionnant, situé au premier plan d’une vue sur le bâti, impose l’entrelacs de ses écorces au parallélisme architectural. Cependant, la rigueur géométrique de la structure du campus donne au photographe l’occasion de réaliser un magnifique panoramique versaillais par référence aux multiples peintures et photographies des perspective du château de Versailles. Cette analogie, permise à cause de la puissance de l’objectif photographique, interroge le spectateur sur l’origine réelle ou visuelle de la beauté ainsi saisie.

_______________________________________________________________________________Sandrine Laroche

Sandrine Laroche

Avec les photographies prises la nuit par Sandrine Laroche, le campus revêt une identité insolite. Il devient un théâtre nocturne où la lumière surgie des lampadaires se mue en feux de la rampe, découvrant dans l’obscurité des traces de couleurs bleue, jaune ou rouge. L’ombre de personnages au milieu des allées manifeste une présence de vie dans ces quasi-ténèbres couvertes de brouillard. L’art de la photographe consiste à privilégier de vagues nitescences qui permettent des contrejours lunaires où se découpent des arbres en ombre chinoise, qui montrent l’ossature des immeubles à partir de leur éclairage intérieur. Les quelques lueurs qui scintillent encore aux fenêtres paraissent accrochées au quadrillage des façades, comme des notes de musique pour une partition dans la nuit.

Christian Poncet_________________________________________________________________________________

Christian Poncet

La technique du sténopé, que Christian Poncet maîtrise de façon magistrale, transforme le campus en un monde étrange, comme issu des rêves ou de la science-fiction. Le temps de pose très important nécessaire à la prise de vue produit des effets perturbant la fidélité de l’image et il se dégage ainsi une atmosphère ouateuse qui rend la réalité des lieux incertaine et la fiction crédible. Dans chaque image une apparence humaine donne la mesure de l’immensité des murailles que sont devenues les buildings de La Doua. La parenté de ces photographies avec l’image mentale des souvenirs oniriques nous plonge dans une illusion de déjà-vu, lointaine bien que familière, étrange parce que reconnaissable. Le campus serait alors une figure contemporaine de Metropolis.

_______________________________________________________________________________ Pascal Michalon

Pascal Michalon

Jouant avec les perspectives architecturales, Pascal Michalon parvient à créer les lignes de force qui propulsent le regard au-delà du réel. Il déniche un contrefort de béton de forme pyramidale qu’il cadre de manière à le rendre semblable à un autel sacrificiel Maya. Son regard déréalise l’univers terne et maussade des allées avec des plans presque entièrement consacrés aux tonalités rose balais ou rose fandango du béton asphaltique qui recouvre des pistes. Les perspectives fonctionnelles sont déviées de leur finalité administrative pour découvrir le beau désordre clair d’un rêve en images. Des poteaux de toute sorte, des panneaux signalétiques s’interposent en gros plans au milieu des aires de circulation ; certains sont penchés, d’autres renversés, et le campus ressemble alors à ce musée en plein air des motels désaffectés de Las Vegas.

Pascal Michalon


Comme tous les autres photographes de cette exposition, Pascal Michalon transfigure la complexité monotone de ces bâtiments universitaires. Dans ses dernières images inspirées par La Doua, il est allé jusqu’à insérer des images de paysages naturels provenues d’autres contrées. L’une d’entre elles est particulièrement attirante : le mur de fond d’un long corridor est remplacé par un paysage arboré dominant une mer calme. Par une étrange coïncidence, la mer calme que Vénus obtient pour Énée, celle qui lui permettra de cingler aisément jusqu’au rivage attendu prend exceptionnellement le nom de « campus » dans l’Énéide de Virgile. “


Texte : Robert Pujade

Nadine BEYSSERIAT – Science sous objectif

du 21 janvier au 21 février 2020

Vernissage en présence de l’artiste mardi 21 janvier à 18h30 

Papaver somniferum L.
Pavot somnifère
(Papaveraceae)

Photographe scientifique, Nadine Beysseriat œuvre en toute discrétion. Elle passe son temps dans son studio à photographier, numériser des objets du passé pour en faire des objets du futur. Timide et passionnée, patiente et précise jusqu’à l’obsession, c’est une amoureuse de cet art qu’aujourd’hui elle expose. Par son éclairage, sa vision, elle valorise les objets qu’elle photographie.
Nadine a su se dépasser, capturer et apprivoiser les nouvelles technologies. Les collections de Lyon 1 s’affranchissent de l’argentique pour embrasser une nouvelle ère, pleine de promesses, celle du numérique. Nadine leur offre une nouvelle vie, éternelle, allant au-delà du statique pour amener le mouvement, permettre leur étude, leur observation, leur manipulation virtuelle. Qu’ils soient du monde minéral, végétal ou animal, ces objets reprennent vie, tournant sans fin dans une valse de tout temps où l’art et la science ne font plus qu’un.
En nous offrant ce nouveau regard, son regard, Nadine nous offre de nouvelles perspectives. Pièce par pièce, elle travaille à sauvegarder notre patrimoine qui devient universel. En le faisant rentrer dans le XXIème siècle, elle enclenche le décompte de l’éternité.
C’est ainsi que l’Art se met au service de la Science. Nous saurons tous reconnaître que ce travail d’artiste accompli dans l’ombre se devait aujourd’hui d’être mis en lumière.

Emmanuel BETTLER

Twisted bean – Origine inconnue



C’est pourtant en retrouvant la surface plane à travers cette exposition de photographies, que Nadine Beysseriat dresse avec un talent qui touche au sublime le portrait tout en rigueur et en précision des objets parfois étonnants qui animent son quotidien scientifique. On devine un lien secret entre l’artiste et ces objets devenus sujets.

Marie Noëlle TAINE

















Lemur catta
Maki

Antoine LIGIER – Mosaica

Secret agents I met and liked

du 3 décembre 2019 au 10 janvier 2020

Vernissage en présence de l’artiste mardi 3 décembreà 18h30 
Café photo en présence de l’artiste jeudi 5 décembre à 12h 45 

Itu, India, 2009

Itu – India, 2009

” Il y a de cela fort longtemps, une amie très chère m’a offert un carnet vierge, de couleur orange vif. En première de couverture, un titre inscrit en petites capitales sans empattement : SECRET AGENTS I MET AND LIKED.”

Secret agent I met in India, 2009

“L’éclat orangé a refait surface il y a peu, à un moment où je désespérais de réussir à relever le défi de monter une exposition à la Galerie Domus avec mes images. Juste mes images…

Je me plonge alors dans mes archives (un grand mot pour un volume modeste). A l’instar de mon mentor Marc Riboud, j’aime cueillir les images au hasard d’une déambulation. La prise de vue constitue une matière première pour mon travail, pas une finalité. Je me plais à exploiter des photographies, à les travailler ou à leur tordre le cou, parfois plusieurs années après la prise de vue.

En feuilletant les planches-contact, je me remémore les rencontres : il y a beaucoup de portraits, conventionnels ou non. Je pourrais les sortir de leur drôle de mausolée et leur proposer une nouvelle demeure. Et puis je veux m’amuser, me faire plaisir avec ce projet : faire un pas de côté, tenter de nouvelles techniques de tirage artisanal, imaginer de nouvelles associations image-support.

Tirages argentiques classiques ? Oui et non. Il m’arrive régulièrement de revisiter mes images, de les transformer en petits poèmes surréalistes par superposition de plusieurs négatifs. L’univers proposé pour SECRET AGENTS I MET AND LIKED se veut déroutant. Une photographie de reportage à la frontière serbo-hongroise au cours de l’été 2015 pourra côtoyer une interprétation toute personnelle de « En attendant Godot » de Beckett…”

Antoine Ligier

Madame Arthur – Paris 2012

Théorie des Inclassables

La sélection de photographies qu’Antoine Ligier propose pour la série MOSAICA,
Secret agents I met and liked, mériterait assez bien le terme de « théorie » si l’on prête à ce mot son acception de cortège ou de défilé. Elle déploie, en effet, une succession de visages ou d’esquisses humaines, pas exactement des portraits, mais plutôt le reflet de la multiplicité des regards que le photographe porte sur les vivants et les choses. à chaque individualité de cette procession, appréciée au hasard de rencontres à travers le monde, correspond le sobriquet d’agents secrets,
c’est-à-dire d’acteurs involontaires d’un projet photographique
savamment conduit dans la réalisation d’un spectacle insolite.

En 2012, Antoine est à Paris. Il croise dans le métro un accordéoniste dont le large sourire laisse paraître le clavier d’une denture parée de deux incisives étincelantes, comme deux miroirs renvoyant une image – peut-être celle de l’auteur de la prise de vue. La même année, dans la même ville, installé dans la loge d’une Madame Arthur épuisée par ses apparitions au Divan du Monde, il saisit les étapes d’un maquillage outrancier qui accentue par des couleurs criantes l’alanguissement des traits du comédien. Cette année-là encore, il entreprend la série des Exténués dédiée aux personnes qui s’échinent au travail : des portraits réalisés en studio, selon un protocole rigoureux. Chaque acteur, homme ou femme, porte le même costume, la même chemise, la même cravate. Une même lumière éclaire les visages et les remodèle, accusant la lividité de la peau, les ombres et les rides, l’hébétude des regards. Dans chacune de ces scènes, on peut se demander quelle est la part de réalité et celle de la fiction liée au traitement photographique.

Lorsqu’Antoine choisit ses portraits de reportage, il nous intime un semblable vertige provenu d’un rêve plaqué sur la réalité. C’est le migrant Syrien à la frontière entre la Hongrie et la Serbie qui n’a que son sourire pour conquérir l’Europe. C’est en 2015, le Bosniaque éborgné par un éclat d’obus qui, par ce clin d’œil involontaire, fait signe en direction des tentatives de rapprochement de la Bosnie-Herzégovine vers l’Union Européenne. C’est l’Uruguayenne au béret basque dont la nudité se cache à peine sous une mantille et une chevelure démesurément longue.

Et le voilà en Inde, la tête en l’air, face à deux lunes : le contrejour de leur lumière donne une allure de Titan de bronze à l’ouvrier qui travaille sur un toit. Et puis en France à nouveau, ce corps nu d’une femme aux proportions canoniques, à la peau satinée invitant au toucher, au cou sans visage qui révèle son identité de mannequin. Pour ces effigies inclassables parmi les genres du portrait ou du reportage le tirage encadré est insuffisant. Le travail d’Antoine Ligier sur le support de ses images est original à bien des égards : mosaïque d’azulejos pour le portrait d’Itu, le petit indien,
composée par des tirages cyanotype sur 54 carreaux de céramique, chape de béton pour les deux sœurs uruguayennes, toile sur bois pour Les Gladiateurs – portrait de deux masques
de soudage qui se regardent en chiens de faïence.
Ces dispositifs lourds sont l’assise de ses rêves, en fait, de sa connaissance photographique du monde.

Robert Pujade

Les Exténués – Paris, 2012 (extrait)

Lucie JEAN – Polar dispersion

du 1er octobre au 26 novembre 2019

Vernissage en présence de l’artiste mardi 1er octobre à 18h30 
Café photo en présence de l’artiste mardi 5 novembre à 12h 45 

Exposition présentée En résonance avec la Biennale de Lyon

Polar dispersion #3 © Lucie Jean

Chroniques de retours en Islande
Se rapprocher du pôle. Le frôler. Entre-apercevoir ses contours.
Parcourir à nouveau le territoire d’Islande,
le retrouver au cœur de l’hiver. Alunir.
Paysage aux profils fracturés, de bosses mystérieuses,
aux couleurs déroutées, aux lumières d’impermanence.
Chercher à capter les interstices, s’y perdre,
cristalliser un détail, une aspérité, s’en décrocher.
Un regard qui s’approche s’éloigne, qui suit la mouvance
de cette surface en apparence si silencieuse, immuable.
Le calme feint.
Cette terre est une croûte sous laquelle, tout bout,
à fleur de peau.
Une écorce qui se désagrège ou s’agglutine, qui fume
ou se condense, qui explose ou se fige.
Atomisée.
Creuser, et rechercher la ville d’Heimaey*.

Lucie Jean

© Lucie Jean

* Heimaey est une petite île au sud de l’Islande qui a été en partie
recouverte par une coulée de lave lors d’une éruption en 1973.

Polar Dispersion
Photographies de Lucie Jean

La vision du Grand Nord que propose la série Polar Dispersion diffère singulièrement des recherches précédentes de Lucie Jean, celles qu’elle avait consacrées dans Quartiers d’hiver, par exemple, aux espaces de vie et à la présence humaine lors de ses multiples parcours dans ces contrées glacées.  Toutes les images photographiques de cette nouvelle approche sont des extractions du paysage islandais et se rapportent aux éléments fondamentaux de la nature. Un inventaire esthétique de la matière dans ses aspects liquides, gazeux, flamboyants ou minéraux est consigné dans des tableaux qui trouvent leur place dans une installation plus suggestive qu’une simple exposition.

Le dispositif scénographique met en évidence une forme singulière de relation entre les matières de la Terre et du ciel, notamment par le jeu de leurs couleurs : elles sont tour à tour fusionnelles sur le triptyque des flots sombres moirés par quelques rayons solaires, débordantes dans le surplomb d’un nuage en suspens dans une lumière boréale, en dialogue dans le triptyque de la montagne blanche, en interaction dans la gradation des gris pour les montagnes prises en noir et blanc. Une place particulière est accordée à un nuage immense, dont la stature rappelle le Colosse attribué par erreur à Goya : on y voit la sublimation de l’eau dans l’air, comme un présage admirable de tous les typhons, ouragans, tornades et cyclones qui menacent le monde. Ces images sont plus que des paysages, elles délivrent la quintessence de la vue paysagère qui trouve sa forme achevée quand les limites de la terre et du ciel sont mises en émoi par leur proximité.

L’absence de noms de lieux et de tout contexte social indique suffisamment que l’attention visuelle de Lucie Jean relève moins de l’observation que de la fascination. Dans des notes rédigées à propos de cette série, elle écrit : Creuser, et rechercher la ville d’Heimaey. Mission impossible puisque cette ville d’Islande a été partiellement engloutie après une éruption volcanique, mais injonction impérieuse à scruter l’invisible jusqu’à le saisir avec la photographie. On s’en rend compte avec le nuancier subtil des couleurs qu’elle attribue aux espaces interstitiels qui séparent la terre des glaciers et ceux-ci du ciel, comme pour situer la prise de vue au plus près de l’être de la nature.

Dans cette recherche fascinée, la photographe poursuit le rêve des navigateurs de l’Antiquité qui situaient l’Hyperborée à la limite de l’horizon, là où la terre et le ciel se rapprochent, et la stupeur des premiers explorateurs du Grand Nord qui parlaient des icebergs géants et bleutés comme d’irréelles citadelles. On découvre dans Polar Dispersion cette intense poésie de la nature.

Robert Pujade

Laure ABOUAF – Approche(s) Villes d’Europe

du 4 juin au 26 juillet 2019

Vernissage en présence de l’artiste mardi 4 juin à 18h30 

Géographique, physique, humaine, parfois hachée de grands pans d’ombres où se cognent des éclats de lumière, subtile toujours : voici une Europe à travers les villes dans lesquelles Laure Abouaf s’immerge au fil des années, mue par une perception intime des couleurs. Lyon, Beograd, Bratislava, Sarajevo, Budapest, Timisoara, Bucaresti, Ljubljana, Lisboa… Presque en secret, elle nous embarque, et dans un voyage tout intérieur nous suivons ses pas.

” Les signes qui permettraient d’identifier les villes d’Europe traversées par Laure Abouaf sont très rares et équivoques sitôt qu’on pense les avoir dénichés. Le nom de ces localités n’est pas indiqué sous la forme d’une légende qui nous obligerait à rechercher dans nos souvenirs de voyage ce que, de toutes façons, nous ne retrouverions pas à l’intérieur du cadre photographique. En effet, à l’opposé de la carte postale ou du reportage touristique, la série exclut de son champ de visée la couleur locale, le détail typique, la note exotique, le cadre pittoresque ou l’ambiance folklorique. Pour autant, l’absence des procédés usuels de mise en valeur de ces scènes urbaines et leur anonymat lui-même, ne les rendent pas énigmatiques. Ces lieux photographiques sont, d’une certaine façon, des lieux communs en ce sens qu’ils apparaissent similaires – et non pas semblables – à d’autres que nous rencontrons dans la vie ordinaire. Cette similarité cultivée signifie qu’ils appartiennent moins à un espace géographique précis qu’au regard de la photographe. […]

Les photographies de Laure Abouaf, bien qu’elles différent du genre du paysage urbain, et même de la photographie de rue dont l’une des caractéristiques est la présence humaine, restent fortement liées cependant à l’espace urbain qu’elles explorent de façon inaccoutumée. Elles proposent des hiérarchies visuelles qui ne correspondent pas à celles que construisent, de façon constante et triviale,
nos perceptions de la réalité. On pourrait expliquer cette différence une fois pour toutes par l’argument paresseux qui consiste à opposer la vision de l’artiste au simple phénomène de la vue, quand l’une et l’autre s’appliquent à des sujets identiques. […]

… l’espace photographique qu’elle dévoile met en question la notion même de l’espace. Nous savons que cette dernière notion a une histoire et que la perception que l’homme a du monde a considérablement varié au cours des siècles : le monde clos du Moyen-âge, découpé en espaces sacrés et profanes, diffère profondément du monde rationalisé des Lumières qui découvre un espace infini. Nul doute que, dans cette histoire, la photographie a modifié sensiblement la notion commune que nous avons de l’espace, entendu comme le milieu dans lequel se situe l’ensemble de nos perceptions.
Ainsi, en regardant ce que nous ne voyons pas, Laure Abouaf opère des coupes dans notre espace quotidien, produit des prises de vue qui, à leur manière, relèvent d’une sourde sacralisation.”


Robert Pujade

WORKSHOP “CYANOTYPES”

du 1er au 19 avril 2019
(sauf samedi et dimanche)
de 9h à 13h et de 14h à 17h

Maison du Projet
20 avenue Gaston Berger, Villeurbanne

Rencontres avec les artistes les 02/04 et 03/04 de 12h30 à 13h30.

Dans le cadre du Festival Les arts du campus
À l’initiative de Marie Noëlle TAINE,
responsable de la Mission Culture de l’Université Claude Bernard Lyon 1

Animation :
Antoine LIGIER & Noël PODEVIGNE


À l’heure du numérique, des étudiants explorent un type de photographie datant du 19e siècle, le cyanotype, et exposent leurs plus belles réalisations.



… avec :
Mattis Boldrini
Sara Cabet
Jade Chenal
Ana Cresto
Lucille Gallois
Manon Haberzettel
Martin S. Monaghan
Melvin Naudion




La production d’images est devenue exponentielle, grâce au numérique. Nous en fabriquons sans arrêt… Elles rejoignent, dans le meilleur des cas, les mémoires de nos ordinateurs, circulent sur les réseaux sociaux mais… finalement, sortent très vite de notre quotidien.

Pendant ce temps, nous gardons en mémoire la photo encadrée de tel ou tel événement, d’une personne chère…Le passage au support physique constitue véritablement un épisode majeur dans l’histoire de nos photos et dans notre rapport aux images.

Le propos de ce workshop a été d’expérimenter, de manière ludique, cette transformation, ce passage d’un geste presque banal (prendre une photo) à la création d’une image unique, réalisée par soi-même. Pour cela nous avons eu recours à une technique datant des débuts de la photographie : la cyanotypie.

En utilisant conjointement les techniques numériques actuelles (pour réaliser les négatifs) et cette pratique ancienne, nous avons ainsi parcouru à l’envers toute l’histoire des photographies ;
singulier raccourci…

Claudine DOURY – L’homme nouveau

du 5 mars au 22 avril 2019

Vernissage en présence de l’artiste mardi 5 mars à 18h30 

Café photo en présence de l’artiste jeudi 4 avril de 12h45 à 13h45
dans le cadre du Festival des Arts du Campus (JACES)

German, série L’homme nouveau, 2013 © Claudine Doury / La Galerie Particulière / Agence VU’

” J’ai jusqu’à présent beaucoup photographié les jeunes filles, convoquant à travers elles mon enfance et mon adolescence. Dans ces travaux, les rares présences masculines y faisaient toujours office de figurants. Je veux explorer maintenant l’identité masculine dans une période de transition à la fin de l’adolescence. Quand et comment le garçon devient-il homme ? Quels sont les signes de cette transformation ? En quoi est-elle différente des générations précédentes ? En questionnant l’identité masculine au passage à l’âge adulte, j’aborderai les notions de genre et d’altérité à l’entrée du XXI° siècle.

J’ai effectué ce travail à St Petersbourg où une nouvelle génération de Russes émerge. Elle est née au moment où l’Union Soviétique s’effondrait. Fils de la nouvelle classe moyenne ces jeunes Russes ont aujourd’hui vingt ans et sont aux antipodes de leurs aînés : ils viennent des quatre coins de Russie et ont choisi Saint Petersbourg comme lieu de leur nouvelle vie. En rupture de ban par rapport à une Russie empêtrée dans le poids de ses appareils, ils sont résolument modernes, tournés vers l’art et la culture, connectés avec le reste de la planète, et ils s’approprient les codes du monde en marche.

Connaissant déjà bien la Russie, je travaille sur ces jeunes hommes comme je l’avais fait avec les jeunes filles russes, dans une société en pleine évolution où les rapports au statut d’homme, à la virilité, à l’image de soi et à tous les codes du genre sont entièrement revisités. Ce nouvel « homme nouveau » qui se définit là-bas est un des témoins des mutations de notre temps et je sais pouvoir trouver des signes et des traces de ces mutations. “

Claudine Doury

Dimitri, série L’homme nouveau, 2013 © Claudine Doury / La Galerie Particulière / Agence VU’