Archives de catégorie : Domus hors-les-murs

Rémy MATHIEU – Architectures en pointe & Paysages habités

du 6 octobre au 11 décembre 2020

Vernissage en présence de l’artiste mardi 6 octobre à 18h00
à l’Enssib
École nationale supérieure des sciences de l’information
et des bibliothèques

17/21 boulevard du 11 novembre 1918 – 69100 Villeurbanne

Exposition conjointe de l’Enssib et de la Galerie Domus-Université Lyon 1

Architectures en pointe

Américaine #6

En privilégiant un angle de vue particulier sur les immeubles de sa ville, Rémy Mathieu ravive le souvenir des pyramides. Une contre-plongée systématique à l’attaque des angles des buildings confère un élancement triangulaire à chacune des constructions qui n’était d’abord qu’un cube ou un parallélépipède de béton.
Les bâtiments défilent les uns à la suite des autres en se présentant à première vue comme les multiples d’un même ensemble, ou plutôt comme engendrés par une même matrice. A décrire ainsi verbalement ce travail, on pense inévitablement à une œuvre qui s’inscrit dans la ligne de la Nouvelle Objectivité ouverte par Berndt et Hilla Becher et cette impression serait renforcée par le fait que chaque photographie est accomplie à la suite d’un protocole de prise de vue rigoureux et systématique.

Mais à y regarder de plus près, cette méthode n’a rien d’une reprise et n’est nullement liée à un effet de mode. Rémi Mathieu est un adepte de la photographie d’architecture et ses œuvres antérieures montrent depuis le début de sa carrière une rigueur technique rompue à la restitution de l’âme géométrique du bâti.
L’aspect répétitif qu’impose l’exposition de ces cadrages sur les édifices n’aboutit jamais à une idée de collection visant à démontrer la similitude des plans urbains en quelques lieux de l’Europe où ils se trouvent saisis par la photographie. Au contraire, le mode de visualisation par angularité choisi par Rémi Mathieu constitue une instance de différenciation.

Cathédrales #3 #1 #4

Chaque section pyramidale de ces immeubles de banlieue ou de campus universitaire est rangée dans une série signalée par un titre : ainsi les Citadines arborent des façades où bâillent des terrasses tandis que les Américaines déroulent leurs damiers de fenêtres miroitantes sur des plans curvilignes. Et dans chaque série, les cadrages identiques permettent de repérer les nuances de styles architecturaux, comme on discernerait des différences de variables dans une suite de fonctions mathématiques. Cette dernière impression est accentuée par la tonalité des tirages qui oriente notre admiration vers les lignes de force qui stabilisent l’érection de ces constructions : les surfaces sont épurées, éclaircies ou assombries par endroits, pour faire ressortir le dessin du plan architectural.

Pour autant, ces images ne basculent jamais dans l’abstraction pure ; elles découvrent à travers une vision sensible la charpente invisible des blocs de béton qui font l’ordinaire des zones périphériques urbaines. Ainsi, le point de vue adopté, systématiquement répété dans chaque prise de vue, s’attache à cette dimension oubliée par le passant dans le paysage architectural : l’élévation. Et comme s’il ne suffisait pas de montrer le gravissement des appareils muraux, le photographe rend visible dans la représentation des façades en surplomb le mouvement même de son regard attiré par le faîte.
Ce parti pris d’optique a pour effet, par la puissance d’un seul regard, de changer le monde, d’opposer à la matérialité imposante du paysage urbain l’écoute spirituelle des harmonies et des lois d’une mathématique toute intérieure qui s’expose dans le cadre photographique comme une vérification poétique de celle de l’architecte.

Robert Pujade

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Paysages habités

Tête de chat

Il arrivera un jour prochain où les ressources en énergies fossiles seront épuisées. Il arrivera aussi un jour où les centrales nucléaires s’arrêteront définitivement, soit par manque de matière première, soit par conscience écologique. Ainsi, les grandes autoroutes reliant les centrales aux grandes agglomérations n’auront plus lieu d’être. Les pylônes de très haute tension seront déconnectés, démantelés, sans fonction, esseulés dans le paysage. C’est le projet que je développe depuis 3 ans maintenant, dans la plaine de l’est lyonnais, dans le prolongement de la centrale du Bugey, mais aussi dans la plaine d’Alsace entre la centrale de Fessenheim et Mulhouse, et à l’avenir, dans d’autres territoires. Il s’agit de montrer un paysage fictionnel, par une photographie d’anticipation, dans un esprit proche de celui de Bernd et Hilla BECHER, mais aussi de celui de la mission photographique de la DATAR.

Rémy Mathieu, 2020.

Muguet

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De la subjectivité en photographie

Un photographe peut-il choisir pour sujet un quelconque matériel industriel sans qu’on rapporte son travail à la Nouvelle objectivité ? Intégrée à l’art contemporain, cette tendance, qui utilise la photographie de façon protocolaire et ultra rigoureuse, a banni de son champ de visée l’environnement de « l’objet » pour ne montrer que son entièreté, dans ses aspects géométriques les plus austères. Comme pour combler cette absence, Rémy Mathieu, avec toute la rigueur qu’il a su déployer dans son œuvre, entreprend un inventaire des pylônes électriques dans les campagnes du lyonnais et de l’Alsace en offrant la part belle à la poésie paysagère, étrangère au modèle objectiviste.
La règle de composition de ces paysages habités – comme il les appelle – consiste à cerner son sujet sur fonds de ciels légèrement chargés qui atténuent les éventuels contrejours et opposent une matière ouateuse à la dureté des membrures et de l’armature des pylônes. Chacune des prises de vue campe ainsi l’objet dans une attitude totémique, à la fois implanté dans la terre et élancé vers la voûte céleste. Pratiquée comme une ascèse de la prise de vue, cette règle du cadrage, réitérée tout au long de la série, dénote un regard spirituel en mesure de transmuer un emplacement anodin en un paysage choisi.
Tout en créant ses paysages, Rémy Mathieu accomplit sa mission toute personnelle de répertorier les différents modèles de pylônes auxquels les ingénieurs du monde industriel ont attribué des noms inspirés par les formes des assemblages métalliques. Cette nomenclature n’a rien de scientifique et s’est établie selon des analogies oiseuses. Au faîte du pylône nommé « Chat », une structure pentagonale pourrait rappeler – à condition qu’on y veuille penser – le minois d’un félin. Le dénommé « Mae West » est bâti sur des jambages écartés surmontés par des barres d’acier en V qui durent évoquer à certains la silhouette d’un torse féminin.

Le surnom de « Muguet », dévolu à un monopode, doit pouvoir s’expliquer par la position des pendentifs d’accrochage des câbles. D’autres pseudonymes sont plus obscurs et deviennent de simples sobriquets : Le « Trianon » ressemble à un portail, le « Beaubourg » à une pagode. Rien de poétique dans ces dénominations qui sont des moyens commodes pour rassembler sous des catégories la pluralité des modèles et n’ont qu’un rapport décalé avec chaque spécimen. Le répertoire photographique, au contraire, n’a affaire qu’à des individualités et l’image à elle seule, contrairement au nom, délimite subtilement la présence du pylône, découvrant alors qu’elle n’a de sens que par le tableau du monde qu’elle institue.
Dans le rapport de convenance que crée le photographe entre la chose et son entour, une vérité singulière apparaît, lumineuse, éminemment subjective et marquée par la délicatesse d’un regard admiratif. Les architectures lourdes de plusieurs tonnes deviennent des interventions graphiques très fines parmi le libre cours des broussailles et des futaies, comme une exposition de croquis en pleine nature, une transfiguration de cet immobile mobilier champêtre en charge d’une matière imperceptible, l’énergie électrique. L’inventaire que propose Rémy Mathieu est celui d’une multiplicité de métaphores possibles qui nous permettent de voir, en place de pylônes, des spectres d’escogriffe qui hantent la campagne ou des épouvantails filiformes qui se dressent comme des sentinelles du néant.
Cette série exemplaire n’est pas un rajout, même dissident, à la Nouvelle Objectivité, mais une œuvre qui contribue au renouveau exaltant de la subjectivité en photographie.

Robert Pujade

Trianon

WORKSHOP “CYANOTYPES”

du 1er au 19 avril 2019
(sauf samedi et dimanche)
de 9h à 13h et de 14h à 17h

Maison du Projet
20 avenue Gaston Berger, Villeurbanne

Rencontres avec les artistes les 02/04 et 03/04 de 12h30 à 13h30.

Dans le cadre du Festival Les arts du campus
À l’initiative de Marie Noëlle TAINE,
responsable de la Mission Culture de l’Université Claude Bernard Lyon 1

Animation :
Antoine LIGIER & Noël PODEVIGNE


À l’heure du numérique, des étudiants explorent un type de photographie datant du 19e siècle, le cyanotype, et exposent leurs plus belles réalisations.



… avec :
Mattis Boldrini
Sara Cabet
Jade Chenal
Ana Cresto
Lucille Gallois
Manon Haberzettel
Martin S. Monaghan
Melvin Naudion




La production d’images est devenue exponentielle, grâce au numérique. Nous en fabriquons sans arrêt… Elles rejoignent, dans le meilleur des cas, les mémoires de nos ordinateurs, circulent sur les réseaux sociaux mais… finalement, sortent très vite de notre quotidien.

Pendant ce temps, nous gardons en mémoire la photo encadrée de tel ou tel événement, d’une personne chère…Le passage au support physique constitue véritablement un épisode majeur dans l’histoire de nos photos et dans notre rapport aux images.

Le propos de ce workshop a été d’expérimenter, de manière ludique, cette transformation, ce passage d’un geste presque banal (prendre une photo) à la création d’une image unique, réalisée par soi-même. Pour cela nous avons eu recours à une technique datant des débuts de la photographie : la cyanotypie.

En utilisant conjointement les techniques numériques actuelles (pour réaliser les négatifs) et cette pratique ancienne, nous avons ainsi parcouru à l’envers toute l’histoire des photographies ;
singulier raccourci…

Julien MINARD – Vanités

du 4 décembre 2018 au 11 janvier 2019

Ecole Nationale Supérieure des Sciences de l’Information et des Bibliothèques – enssib
17-21 bd du 11 novembre 1918 – 69100 Villeurbanne

Vernissage en présence de l’artiste mardi 4 décembre à 18h00

La série des Vanités est une errance photographique prenant pour sujet les animaux empaillés qu’un Maharajah indien collectionna jadis dans son palais aujourd’hui déserté, dans la petite ville de Bhuj.
Ce palais, le Prag Mahal, en partie détruit par un tremblement de terre en 2001, est constellé
de ces trophées de chasse que les années, l’humidité, les vents et les pigeons ont
transformés en étonnants fossiles.
Tout respire la fin d’un règne, d’une époque et de ses habitudes.
Ce qui un jour témoigna de la gloire et de l’opulence d’un souverain est désormais laissé en l’état, formant un petit musée privé, en proie à la lente et inévitable destruction. Les images proposent une méditation sur le temps qui passe, à la manière des vanités de la peinture européenne du XVIIe siècle. Ces tableaux de genre, extensions imagées de la pensée chrétienne dans l’art, rappelaient aux vivants la vanité de ce que l’on accumule au cours d’une vie : richesses, savoirs, honneurs et qui ne seront d’aucune aide spirituelle une fois accompli le grand passage – la mort.
Par des jeux de cadrages, de lumières, de profondeur de champ, la photographie révèle les signes de la déliquescence : écorchures, moisissures et délabrement des chairs que la taxidermie n’aura réussi à ralentir qu’un court moment. Ces images n’entretiennent pas un rapport documentaire à leur sujet mais évoquent plutôt un univers fantasmagorique
peuplé de créatures étranges, caractérisées par un paradoxe : si la taxidermie vise à donner l’illusion de la vie malgré la mort (redonner à l’animal son animation),
ce faux-semblant s’estompe au profit des marques du temps.

Julien Minard

Vanités de Julien MINARD

Prag Mahal… Malgré la magie des mots, c’est dans un palais délabré que nous fait pénétrer Julien MINARD.  À en suivre les couloirs, nous pourrions nous croire en Italie. Mais c’est de l’Inde dont il s’agit ; nous sommes à à Bhuj, petite ville du Gujarat, dans le nord-ouest du pays.
Jadis, il y a longtemps peut-être – au XIX° siècle en réalité – un maharajah y rassembla une collection d’animaux empaillés et de trophées. Comme aurait pu le faire, en Europe, un quelconque gentleman ou un riche propriétaire. Influence britannique, universalité du désir d’exposer les trophées de chasse et d’exhiber ainsi la fortune et la toute puissance du chasseur ?
Peu importe. Ce qui nous retient en ce palais, en ces clichés du moins, c’est le même sentiment, la même émotion que celle que l’on ressent devant ces tableaux de nature morte, qui nous présentent des scènes de chasse ou de cuisine, où l’essentiel n’est pas la fortune du chasseur ou le talent du cuisinier mais la réflexion sur la mort, à laquelle nous invite le peintre. Il y a comme une parenté entre ce singe accroupi que nous montre Julien MINARD et telle perdrix prise dans un collet ou tel lièvre suspendu au mur de la cuisine peints par CHARDIN. Ou cette lionne toute puissante encore de sa gueule entrouverte et éclairée par deux fenêtres en ogive dont les reflets sur la vitre de sa cage sont comme deux bougies déposées au côté de la morte.
Les uns et les autres ne sont rien d’autre que des vanités, comme on en trouve dans les villas pompéiennes, au revers des retables des églises médiévales et dans toute la peinture européenne depuis le XVI° siècle.  Toutes nous rappellent que la vie ne dure pas et que, face à l’instant de la mort, vaines sont les richesses matérielles accumulées. Et toutes nous invitent à nous en détacher de notre vivant ou à savoir en profiter (carpe diem nous disent celles des villas romaines).
Comme toute vanité, ces animaux et ces trophées sont là, en ce palais délabré, exposés en cet instant où le cours du temps semble à jamais suspendu, en cet instant où le talent du taxidermiste ou du peintre a su les saisir, pour qu’à jamais peut-être ils semblent encore vivants, malgré la mort. Et Julien MINARD sait en jouer, quand il confronte une tête d’hippopotame, caressée par ce qui doit être une tenture roulée dont on se demande bien comment elle peut ne pas retomber, et le gardien du palais à la pose hiératique et figée dans la même immobilité que celle de l’animal.
Mais tout aussi vaine aura été la prétention du taxidermiste à l’immortalité de son œuvre. Les peaux se délitent, la poussière est partout, certains des animaux semblent disparaître derrière le rideau des toiles d’araignée… Les marques du temps viennent redoubler l’effet de vanité et déréaliser, plus encore s’il est possible, cette improbable collection. Et nous sommes alors gagnés par l’inquiétante étrangeté de ce spectacle hors du temps et de toute inscription dans un lieu, mais qui nous semble malgré tout familier.
La même étrangeté que l’on ressent au sein d’un cabinet de curiosité, réunissant, de la façon la plus hétéroclite et la plus improbable qui soit, minéraux, coquillages, animaux empaillés, objets d’art et objets manufacturés… Le cabinet de curiosité rassemble tous ces objets, sans lieu et hors du temps, pour les classer dans des armoires, des tiroirs, selon des catégories totalisantes, les nommer aussi et donc les ranger dans des catalogues et des lexiques.  Désir de totalité, l’esprit de curiosité est volonté de réunir macrocosme et microcosme, de reconstruire par la collection, jamais achevée, l’unité du monde et ainsi de le recréer là sous la main, mais surtout sous le regard du collectionneur. Ce désir de recréation, c’est aussi la recherche de la merveille (mirabilia), c’est à dire de l’association des naturalia et artificialia, de la recherche de cette nature artificielle, que permet de générer la continuité entre le génie créateur de la nature et celui de l’artiste, jusqu’au mirobolant (c’est à dire au trop beau pour être vrai).
Il y a, me semble-t-il, de cela dans le Praj Mahal. Il y a, j’en suis sûr, de cela dans le splendide travail que nous propose Julien MINARD.

Lyon, le 24 février 2012
Régis BERNARD

Données techniques :
Tirages couleurs 100x100cm contrecollés sur dibond,
Tirages Noir et Blanc réalisés par l’auteur en utilisant le procédé du ziatype
(fin des années 1880 ; mis au point par Pizzighelli.
Source : Christopher James, The book of alternative photographic process)
à partir de négatifs imprimés.
Tonalités variables entre chaude et très chaude.
Format 20x20cm, 26x26cm et 31x31cmsur papier Arches Platine.
Prises de vues : été 2009, Bhuj, Inde

 

Julien Minard : http://julienminard.com/

Carlos AYESTA / Guillaume BRESSION – Fukushima no go zone

du 10 octobre au 23 novembre 2017

Vernissage en présence des artistes le jeudi 12 octobre :
18h00 à l’Enssib
18h30 à la Galerie Domus

Bad dreams-©-Ayesta-Bression

“Le 11 mars 2011, un tremblement de terre de magnitude 9 ébranle le Nord-Est du Japon et provoque un spectaculaire tsunami dont les vagues atteignent plus de 30 mètres par endroits. Le monde entier découvre ces images terrifiantes qui tournent en boucle à la télévision avant d’être chassées par d’autres actualités. À commencer par une autre conséquence de la catastrophe : l’accident nucléaire de Fukushima.

Carlos et Guillaume se sont rendus rapidement sur place. Pour se rendre compte. Pour observer. Ils sont restés sidérés de ce qu’ils voyaient. Ils ont photographié non pour témoigner mais par nécessité, parce qu’ils étaient là et ne pouvaient en croire leurs yeux. C’est la démesure de la situation qui a transformé leur étonnement en projet.
[…]”

Christian  Caujolle


RETRACE OUR STEPS / REVENIR SUR NOS PAS

Retrace our steps-©-Ayesta-Bression

  
Les plus de 80 000 habitants évacués des alentours de la centrale nucléaire de Fukushima ont tous un jour été tentés de revenir voir leur maison, leur école ou leurs commerces. Certains pensaient même pouvoir y habiter à nouveau. Mais les années d’absence, les rongeurs ainsi que les effets du séisme et du tsunami de mars 2011 avaient rendu méconnaissables ces lieux autrefois familiers…



La série “Retrace our steps” est présentée à Domus


BAD DREAMS / MAUVAIS RÊVES

Bad dreams-©-Ayesta-Bression

  
Comment montrer ce qui ne se voit pas ? Ce qui ne se sent pas ? Dans ces photographies, la fiction révèle le réel et non l’inverse. Les villes, les campagnes et les forêts sont divisées entre les zones possiblement contaminées et celles qui ne le sont pas…




La série “Bad dreams” est présentée à l’Enssib


ERASURE (NATURE) / L’EFFACEMENT (NATURE)

Nature-©-Ayesta-Bression

  
Dans les villes les plus proches de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, plusieurs années se sont écoulées depuis le tremblement de terre. Les maisons et édifices abandonnés par leurs propriétaires tombent en ruines. Dans cet environnement où les gens ne vivent plus, la nature efface progressivement toute trace de l’homme…



La série “Nature” est présentée à Domus


Carlos AYESTA et Guillaume BRESSION ont obtenu le Prix Découverte en juillet 2017, aux Rencontres de la photographie d’Arles, où ils ont présenté “Retracing Our Steps, Fukushima Exclusion Zone – 2011-2016”

fukushima-nogozone.com



FUKUSHIMA NO GO ZONE

  Le nom de Fukushima a succédé à celui de Tchernobyl pour devenir un terme commun qualifiant ce qu’il y a de pire dans le domaine des cataclysmes. En mars 2011, en effet, un tremblement de terre d’une magnitude maximale ébranle les côtes Nord-Ouest du Japon ; il engendre un tsunami dévastateur qui entraîne à son tour l’accident nucléaire de la centrale de Fukushima.
L’ampleur de la catastrophe, ses contrecoups et rebonds, ont aussi déclenché un raz-de-marée médiatique et une avalanche de photographies rituellement couronnées, comme à chaque grande catastrophe, par une Icône : la Madone de Fukushima. Cet instantané de Tadashi Okubo centre, au milieu de décombres qui la cernent, Yuko Shujimoto, une jeune mère de famille de Ishinomoki (une ville située à 10 km de la centrale nucléaire) : isolée parmi les éboulis, elle se dresse, le port très digne, comme un monument statuaire qui porterait le point final à la rédaction photographique de l’événement.

Présents sur les lieux dès le début du désastre, Carlos Ayesta et Guillaume Bression conçoivent assez tôt le projet de documenter à long terme ce drame historique autrement que par des illustrations sensationnelles et éphémères, semblables à celles qui nourrissent l’actualité. Leur objectif est de composer une archive pour l’histoire qui utilise les ressources créatives et informatives de la photographie dans le but de présenter non seulement l’état des lieux dévastés à différents moments de leur évolution, mais aussi les conséquences humaines et les répercussions environnementales de l’accident. Entre 2011 et 2016, leurs explorations photographiques s’organisent autour des différents centres d’intérêt qu’ils souhaitent mettre en évidence.

La zone interdite constitue l’un des chapitres qui construisent cette archive visuelle. Carlos Ayesta et Guillaume Bression utilisent la couleur pour renforcer la neutralité de leur point de vue, évitant ainsi la dramatisation du sujet qu’apporterait le noir et blanc. Dans ce No Man’s Land beaucoup d’images sont prises la nuit, les lumières existantes ou les lampes frontales des photographes isolent le sujet et accentuent l’atmosphère d’abandon qui règne autour de ces restes de carcasses de voiture, d’une coque de navire échouée sur des gravats et de maisons désertées précipitamment. Un sentiment d’étrangeté parcourt les édifices presque intacts comme ces magasins et ces supermarchés sans consommateurs où les distributeurs automatiques de boissons exposent encore des cannettes multicolores qui ne rafraîchiront jamais personne. Les vestiges de la zone n’ont pas le charme des ruines anciennes qui ornent et recréent un paysage. Les planchers défoncés, les murs éventrés ne sont même plus des surfaces et les pylônes des lignes électriques dessinent dans leur inclinaison des graphismes inquiétants. Cet espace dévasté où plus personne n’habite semble l’empire de la désolation.

La série intitulée Bad dreams ajoute cependant une note poétique à cette esthétique du ravage. Les photographes ont laissé jouer les reflets du soleil à travers les lanières transparentes de plastique qui tressent dans l’air un treillis destiné à isoler les objets ou même des secteurs contaminés. Tantôt ce sont de fines barrières sorties de l’invisible qui traversent des rues ou des espaces forestiers, tantôt des emballages presque invisibles qui emmaillottent un frigidaire ou une pelle d’excavateur. Ces transparences pas tout à fait immatérielles forment aussi la substance de ces bulles mystérieuses qui laissent flotter un poisson dans l’air au bord d’un rivage ou qui protègent un jeune homme en costume-cravate au milieu d’un champ de roseaux plumeaux. On se croirait alors dans l’univers du roman 1Q84 de Haruki Murakami dans lequel des petits hommes tissent des chrysalides de l’air.

D’autres séries complètent l’approche esthétique de ce territoire exclu du monde visible : L’Effacement montre le recouvrement des lieux habités avant la catastrophe par une végétation qui a repris le dessus sur ce que les hommes avaient bâti.  À Perte de vue est un ensemble de polyptyques consacrés aux entassements de milliers de sac et de tonneaux remplis de débris contaminés qui défigurent le paysage originel.

Le projet de Carlos Ayesta et Guillaume Bression trouve son accomplissement le plus abouti avec les témoignages des victimes de Fukushima. Revenir sur nos pas est une succession de portraits d’habitants de Namie, de Tomioka et d’autres villages situés à quelques kilomètres de la centrale nucléaire. Certains sont photographiés sur les lieux où ils ont vécu et travaillé, d’autres dans des villes plus éloignées où ils demeurent sans espoir de retour. Sous chaque image est retranscrit un extrait des propos qu’ils ont tenu pendant la pose. Ces témoignages de personnes évacuées, redécouvrant le monde qui leur fut ravi, ajoute à l’étrangeté des images l’expérience d’un univers familier devenu non-familier.

Robert PUJADE

Jeunes photographes aux temps présents

du 6 décembre 2016 au 13 janvier 2017

Enssib : Laure Abouaf –  Guillaume Ducreux – Zacharie Gaudrillot-Roy.
Domus : Mélania Avanzato – Hélène Katz – Antoine Ligier.

Vernissage en présence des artistes le mardi 6 décembre :
18h00 à l’Enssib
18h30 à la Galerie Domus

Les temps Par les temps qui courent
Courent-ils vite Où courent-ils
Les temps présents
Présents aux temps
Des images cueillies dérobées
silencieusement recueillies
dans les plis des temps
des temps présents
Des images à la tire au vol
au contraire réfléchies longtemps
De jeunes personnes aux regards habités
légers décalés pénétrants
tous réfléchissants
De jeunes personnes qui réfléchissent
les temps présents

Marie Noëlle Taine


Laure Abouaf
Japon 2015

Laure Abouaf - Tokyon 2015

L’ordre et l’impermanence
C’est en gaijin que Laure Abouaf appréhende le Japon, en “personne extérieure”, éclairée,
qui se sent depuis longtemps une
proximité avec ce pays. […]
Une sensation ressentie par toute personne ayant vécu ou juste traversé Tokyo, ou d’autres grandes villes nippones. Tokyo est une ville où il est difficile d’accrocher ses nostalgies, disait Phillippe Pons, et c’est pourtant ce tour de force que réussit Laure Abouaf dans ses images japonaises, un état subtil entre le mono no aware, ce concept spirituel et esthétique qui décrit une empathie pour les choses, une sensibilité pour l’éphémère,
et la conscience du carcan d’une harmonie quasi obligatoire..
[…]
Mélania Avanzato


Guillaume Ducreux
Black sunflowers

“Dans l’à peu près d’une existence.
Fixer pour mieux me raccrocher
à ce qui est déjà loin.
Les ombres m’illuminent.
Ce soleil noir me pousse sur une route sans fin.
De l’aurore au crépuscule
tout est vaporeux et distant.
Comme un cri dans la brume, je respire.”
[…]
Mes paysages intérieurs et leurs échos se font face dans une troublante singularité
Sensations viscérales qui surgissent comme une évidence au détour d’un virage. Une vérité flottant loin là-bas dans les brumes de l’horizon.
[…]
Guillaume Ducreux


Zacharie Gaudrillot-Roy
Dusk to dawn

FADE IN : EXT. LOS ANGELES – NIGHT

Un parking vide perché au dessus de la ville, les lumières d’une vie distante
scintillent au loin, âmes perdues dans
le brouillard urbain.
Le décor est planté.
[…]
Là bas, un lampadaire accueille le spectacle vide d’une dramaturgie latente.
Quelque chose s’est sûrement passé ici… ou peut-être que cela va arriver. […]
Les regards se dirigent vers le lointain, nous attendons la suite,
une possible scène, un dénouement.
Mais l’action reste hors champ.



FADE OUT.



Mélania Avanzato
Substrat

empreintes des temps enfouis
 […]
dans le flot des choses vues, où l’intérêt est suspendu au profit de l’émotion, il se crée des images extraites de moments que l’on voudrait toujours revivre pour la première fois.
Ces photographies sont une couche sous-jacente, terrain primitif, presque naïf, sur lequel pousseront des images plus organisées.
[…]
Substrat accueille les accidents, les intuitions errantes d’avant la pensée construite.

Mélania Avanzato


Hélène Katz
Corps & âme

Quelques horizontales, verticales et obliques, des regards lascifs ou joueurs. Des personnalités singulières en somme.
Hélène Katz a extirpé de son journal de photographe lyonnaise ce qu’elle considère comme son parcours particulier. C’est sa vie de citadine qui se retrouve projetée parmi une nuée d’images, au sein de laquelle les sujets tentent en vain de s’évader. Par le jeu essentiellement, par des dissonances stylistiques, qu’elles soient voulues ou non. À mesure que l’on suit les photos d’Hélène, on remarque que des affirmations d’appartenance se constituent entre l’urbain et son décorum.
Elle révèle des situations cocasses qui rendent leur humour au béton.

Gregory PYRUS


Antoine Ligier
Madame Arthur, histoire d’une disparition

Madame Arthur, cabaret transformiste de la rue des Martyrs, à Pigalle, représentait une certaine identité parisienne. Celle d’une nuit joyeuse, exubérante et créative. Une nuit qui a, pendant si longtemps, fait la renommée de Paris, la ville lumière.
Madame Arthur est morte.
Cette série de 10 photographies a été réalisée en 2012.
Aux côtés de Marc, transformiste orphelin de Mme Arthur, et au sein même du cabaret à l’abandon… C’est l’histoire d’une disparition.

Antoine LIGIER

Aurélie PÉTREL – Simulation

du 26 janvier au 5 mars 2016 

Galerie DOMUS et Enssib

Vernissage le mercredi 27 janvier 2016, en présence de l’artiste :

  • Enssib : 17 h 30
  • Domus : 18 h 30

Exposition présentée en collaboration avec :
la Galerie HOUG et Les Turbulences-FRAC Centre

” Aurélie Pétrel questionne l’image photographique, ses modes de production, sa (re)présentation et son activation sous forme d’installations. Posant la notion de “partition photographique”,  l’artiste impulse un travail d’écriture étiré dans l’espace et le temps, où chaque prise de vue prend son sens et se constitue en tant que création matérielle “à venir”. Ce travail de mise en mouvement de l’acte photographique tient pour Aurélie Pétrel du cheminement de l’expérience et de la pensée ; il présuppose une conscience toujours en éveil, cherchant à saisir, au gré des rencontres et des situations, de possibles voies d'”activation” de ses prises de vues. Conservées à l’état “latent” sous formes de fichiers numériques ou de tirages classés dans des boîtes phibox, celles-ci sont, le moment venu, transposées à une échelle tridimensionnelle, l’artiste opérant un transfert de la planéité au volume et à l’architecture.

Les dispositifs conçus par Aurélie Pétrel assimilent l’espace à un savant jeu de construction où l’architecture participe d’une expérience multiple et stratifiée de la vision. Sujet omniprésent de ses compositions depuis les débuts (paysages ou éléments de mobilier urbains,  bâtiments industriels,  scènes d’intérieurs…), l’architecture intervient de fait comme outil de définition et de structuration des dispositifs de l’artiste, à partir duquel se construit pour le visiteur un parcours d’expérience et de visibilité. Mais en connectant ainsi l’image, le système d’activation qui la supporte, et l’espace d’exposition, l’architecture est aussi facteur d’indétermination, brouillant les limites entre sujet, objet et environnement.

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Galerie Domus :

impressio

© Aurélie Pétrel

Impressio Imprimer le réel
Vue d’exposition – Atelier Rouart, Paris, 2015

Enssib :

TableSimulation_RVB_pf

© Aurélie Pétrel

 Table Simulation #01, 2015

Table simulation #00, #01, 2015
Œuvre conçue en collaboration avec l’équipe du FRAC Centre – Val de Loire,
dans le cadre du projet de programmation Relief(s) d’avril à septembre 2015

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Formellement inspiré de la pièce “Partition : explosion” (Galerie Houg, 2015), ce dispositif marque une nouvelle étape dans la pratique d’Aurélie Pétrel, qui intègre ici pour la première fois des œuvres d’autres créateurs à ses installations. Elle chemine au contact d’une collection dédiée à l’architecture expérimentale (qu’elle définit comme une source d’inspiration essentielle dans son parcours personnel) ; une collection d’objets avec laquelle composer, distincte de sa propre banque d’images, mais qui comme celle-ci,  envisage l’artefact dans une dimension prospective, dans un devenir espace.

En septembre 2015,  après le démontage de l’exposition et dans le cadre du mini-festival venant clore le cycle Relief(s), Aurélie Pétrel réinvestit son dispositif en substituant aux œuvres de la collection des traces de son passage aux Turbulences-Frac Centre.  Deuxième temps d’activation, “Table simulation #2” synthétise 8 mois de collaboration et de prises de vues sous forme d’impressions sur divers supports et de tirages, rendus “visibles” sur l’ensemble des plans ou conservés dans des boîtes d’archives, préfigurant un principe combinatoire et performatif.

L’intérêt marqué de l’artiste pour le langage, les pratiques et les conventions muséographiques y transparaît dans plusieurs séries d’images, saisissant les changements d’état des oeuvres, de la réserve à la galerie, du meuble à plans à la cimaise, puis enregistrant le mouvement inverse. La réserve, espace latent de la collection, où s’originent et aboutissent ses activations matérielles, constitue pour l’artiste un lieu paradigmatique autant qu’un théâtre d’interventions. L’équipe du Frac s’est donc prêté au jeu proposé : rendre visible et activer 10 pièces de la collection le temps d’une séance de prises de vue. Le déplacement puis l’ouverture des caisses par le régisseur, la manipulation des oeuvres et leur examen par le chargé des collections et les commissaires, prend la forme d’une chorégraphie où s’entremêlent la procédure, le geste et le savoir-faire.”

Emmanuelle Chiappone-Piriou et Aurélien Vernant
Commissaires des expositions, Cycle « Relief(s) », Les Turbulences-Frac Centre, 2015

Aurélie PÉTREL

née en 1980, vit et travaille à Paris et Genève
outre son travail de création, elle est, depuis 2012, professeure et responsable du Pool Photo, HEAD, Genève
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Christophe Guery – Enroulements

du 12 novembre 2015 au 12 février 2016

lundi – vendredi 9h-17h

logo IUTIUT Chalon sur Saône
Bâtiment Génie Industriel et Maintenance
1 Allée des Granges Forestier –
71100 Chalon sur Saône

Coproduite par la Galerie Domus en 2014
cette exposition est accueillie à Chalon sur Saône

à l’initiative de
Gianni PILLON – Responsable de la licence professionnelle AgroEquipements

Enroulements

“… La photo est pour moi histoire d’émotions. Celles qui me traversent en permanence, celles qui s’incrustent dans ma tête et tournent en mots, en lumières…
Je pose mon regard sur le monde, avec ou sans appareil. Il me faut du temps, j’ai besoin de lenteur. Ainsi, l’image qui naît parle aussi de moi, de mes fragilités, de ce qui est en creux en moi…

Autoportrait - C. Guery
Le contre-jour me va bien.
Il me faut de l’espace, du silence, pour voir, sentir, ressentir et cet espace, ce silence irriguent ma photo.
Ce que l’on voit, ce que l’on devine, ce qui échappe, ce qui affleure peut-être…
La mer, l’architecture, la nature ce sont des thèmes qui me parlent. Je les décline avec un attrait pour la lumière, la ligne, l’infini (ou à l’opposé le détail); la volonté “d’entrer” dans le sujet, un traitement “plastique” de ce que je vois.”

Christophe Guery

Voir : La Métamorphose des ballerons
 Texte de Robert PUJADE à propos des photographies de Christophe Guery

Julien MINARD – Metal Bazaar

 Du 28 septembre au 02 novembre 2015

Bibliothèque de l’IUT Lyon 1, site de Bourg-en-Bresse

71 rue Peter Fink
01000 BOURG-EN-BRESSE

Du lundi au jeudi de 9h à 17h, le vendredi de 9h à 11h30Rencontre avec l’artiste le mardi 13 octobre à 13H00 à la bibliothèque

Cette exposition, initialement produite et exposée par la Galerie Domus en 2010 a obtenu le Prix du Public du Centre Valéry Larbaud de Vichy en 2011.

Un entrepôt de ferrailleurs à New Gujry (Inde) a donné toute son inspiration à Julien 
Minard. 
Il nous offre ici une série de diptyques qui associent des portraits à des espaces 
de ce Metal Bazaar. 
Un sens aigu du cadrage, allié à une maîtrise parfaite de la lumière et de la couleur 
donnent à voir ici d'étonnantes compositions dans lesquelles un étrange mimétisme 
semble unir les hommes et les matériaux travaillés.
METAL-1

© Julien MINARD

Un Portrait de l’Inde

Habituellement, les reportages sur l’Inde nous repaissent du spectacle de foules grouillantes que bigarrent des saris safran ou fuchsia, où se détachent l’impression de sagesse d’une barbe blanche bien lissée, l’innocence d’enfants aux yeux grand ouverts et la misère dans toute sa splendeur.
Le propos de Julien Minard est totalement différent… Continuer la lecture

Claudine Doury – Sasha

Du 7 avril au 2 mai 2015

GALERIE BU

Bibliothèque Universitaire
Domaine Scientifique de la Doua

©Claudine Doury/Agence VU'/La Galerie Particulière

©Claudine Doury/Agence VU’/La Galerie Particulière

Sacha, qui fut petite fille, a grandi. Sacha devient une jeune fille et se cherche aussi bien dans le miroir que dans le territoire qui fut celui, originel, de sa mère. Un territoire de forêt, de magie et d’images donc, de ces territoires dans lesquels on peut inventer contes et illusions, croiser des elfes et recouvrir de boue son corps qui change, qui devient un instant statue éphémère et sort ensuite de sa gangue. Un monde aquatique aussi, comme pour une renaissance dont la pureté se parera de robes blanches pour fêtes de contes de fées d’un autre âge. On pourra marcher sur les eaux, en avoir l’illusion au moins, comme l’on rêvait, plus jeune, de voler. On pourra ressortir de l’eau, en compagnie de la copine, l’amie, le double, coiffées d’algues vertes, devenues le temps d’une baignade des personnages sans identité dans une nature intouchée. Il y aura la tentation d’Ophélie quand l’eau, parfaitement étale, en miroir, laissera apparaître le seul visage et une certaine gravité. Comme souvent, on sentira que tout se passe à l’intérieur, qu’il s’agit d’indicible. On pourra jouer, à la limite du cauchemar qui  guette tous les rêves, s’enterrer à moitié dans le grand champ d’herbe, puis redevenir une autre et s’attarder, sérieuse, à contempler les limaces qui ne font pas vraiment la course. On pourra détenir le renard mais on s’enfuira dans un grand envol de poussière blanche, de bribes de temps. Puis, un jour, on coupera la tresse blonde et on la conservera comme la photographie conserve dans le miroir l’image du visage. Son visage ? Un autre visage ? Temps de doute.

Christian Caujolle

Claudine Doury – Artek

Du 16 mars au 24 avril 2015

8h-20h du lundi au vendredi, 9h-12h le samedi

Mercredi 8 avril à 14h30, conférence L’adolescence dans l’histoire de la photographie par Robert Pujade, enseignant-chercheur, Esthétique et Sciences de l’Art

Ecole Nationale Supérieure des Sciences de l’information et des Bibliothèques – enssib
17-21 bd du 11 novembre 1918 – 69100 Villeurbanne

©Claudine Doury/Agence VU'/La Galerie Particulière

©Claudine Doury/Agence VU’/La Galerie Particulière

C’est une fiction qui dure depuis trois quarts de siècle, à la fois grandiose et dérisoire, sublime et cauchemardes­que, et qui invente, par-delà l’histoire, son propre temps, ses propres règles, ses rites et ses rêves. Un lieu parfait, donc, pour que s’exprime l’intensité des émotions adolescentes des jeunes gens et des jeunes filles auxquels Artek est dévolu…

C’est là que tout a commencé en 1925, avec la création de la République des Pionniers. À la fragilité des tentes du dé­but ont succédé des constructions en dur, des installations confortables, de cantines en dortoirs, de gymnases en belles salles de spectacle. Aux milliers d’enfants méritants ont succédé les rejetons de la nouvelle classe dirigeante, celle de l’argent roi et des enrichisse­ments contestables. Mais Artek reste un îlot hors du temps où une forme singulière de «communisme libéral» s’est mise en place, où l’on achète à prix fort un bonheur factice pour des enfants qui, le temps d’un été, pourront vivre à la fois hors du temps réel et se plonger dans un passé qu’ils n’ont pas connu et qui projetait pour eux un monde idéal. Artek installe des adoles­cents dans un espace, dans un temps et dans des fonctionnements qui les détachent du réel, ils s’y échappent de la contingence pour laisser s’exprimer leurs doutes, leur identité, leurs contra­dictions et leurs désirs.

Christian Caujolle

Extrait de la préface du livre
Artek, un été en Crimée,
Éditions de la Martinière, 2004