Pascal Michalon – La Plage

du 5 février au 12 mars 2015

8h-20h du lundi au vendredi, 9h-12h le samedi
Vernissage le 5 février à 18h00

Ecole Nationale Supérieure des Sciences de l’Information et des Bibliothèques – enssib
17-21 bd du 11 novembre 1918 – 69100 Villeurbanne

Itinéraire poétique d’un abandon, les photographies présentées ici nous invitent dans les lieux semblant issus de quelque monde d’un temps d’après… après l’été, après la foule, après…

Coins de plage, la Plage

L’expédition photographique de Pascal Michalon se déroule depuis plusieurs années en Languedoc. Son objectif consiste à saisir hors saison un rêve collectif d’été, la plage, d’en recenser les dispositifs de jouissance publiquement organisés afin d’en mettre à jour la trame en une série de tableaux.. Sous un soleil froid, dans le silence de sites balnéaires dépeuplés, les vues qu’il prend ressemblent moins à des paysages qu’à des relevés, de ceux qui fournissent des repères visuels préalables à la réalisation de fouilles, appliquées pour celles-ci à une archéologie du bonheur estival.

Pascal Michalon plonge dans cet univers de prospection et d’admiration en misant sur les vertus documentaires du médium photographique qu’il utilise pourtant comme un nabis la peinture aux fins de nuer les couleurs. Ses grands formats carrés affichent des bandes verticales ou horizontales, tantôt larges, tantôt étroites, avec les teintes pastelles diffusées par la lumière d’hiver, où l’on peut lire des étendues de ciel, de mer, de sable ainsi que les surfaces de la signalétique et du mobilier urbains. La prégnance des couleurs par rapport à ce qu’elles recouvrent manifeste le choix photographique de cette série d’images où les reliefs et les perspectives sont régalés par l’objectif ; les coins de plage apparaissent ainsi aux yeux du spectateur comme des tentures idéales prêtes à encadrer un désir de vacances.

Malgré la diversité des lieux visités, dont les toponymes abrégés en légende préservent l’utopie, il règne dans ces paysages une même atmosphère d’abandon et de nostalgie, comme si la plage n’avait plus lieu d’être que dans un souvenir sans retour, l’état des lieux du photographe ne révélant qu’un flagrant désert. Ainsi, les promenoirs et les pédiluves ne conduisent plus personne à la mer, ils deviennent des lignes de fuite bigarrées occupant une place de concert dans la géométrie des couleurs. Les murets blancs du front de mer et les dalles de béton émergent du sable comme les vestiges d’une civilisation récemment disparue et la couleur jaune pâle qui envahit chaque tableau rend curieusement visible une multitude d’absences : plus de voitures sur les immenses allées quadrillées des parkings, plus de maîtres-nageurs perchés sur les miradors, les aires de jeux vides d’enfants se remarquent encore par les tubulures de goal ou de basket qui surlignent l’uniformité des plans composés par le sable et l’azur.

Pascal Michalon nous rapporte un monde où plus personne n’habite. Seule une statue de bronze, callipyge, pouparde, rebondie de toute part, rappelle la beauté ordinaire auxquels sont voués ces sites affranchis par la mer. Un monde étrange parce qu’on y cherche en vain la présence de corps vivifiés par les éléments, dénudés aux solariums, attablés sous les paillotes, promenant, courant, nageant, gesticulant, procurant ainsi aux espaces photographiés la profondeur que le photographe a exclu de sa vision. Ce spectacle sans acteurs délivre les praticables d’un songe commun, ébloui par notre insatiable envie de vivre.

Robert PUJADE