Lucile VAREILLES – Dit ist mein Berlin

Du 2 septembre au 25 octobre 2013
Bibliothèque de l’IUT – site de Bourg en Bresse

Présentées en 2011 à DOMUS, les images du parcours poétique berlinois de Lucile Vareilles retrouvent les cimaises, à la Bibliothèque de l’IUT Lyon 1 à Bourg en Bresse, grâce à la complicité de la conservatrice, Isabelle Landry, et au soutien de l’équipe de direction du site.

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dit ist mein Berlin

Pour qui aime les voyages et la photographie, une ville prestigieuse n’est remarquable qu’en dehors des images publiques qui nous font faire le tour de ce qu’il faut absolument avoir vu afin de ne pas verser dans l’errance qui nous ferait perdre notre temps. En général, ces cartes postales et autres vues qui suivent ce principe d’économie du temps de loisir sont explicites et bien cadrées ; elles nous dispenseraient, à bien des égards, de faire le déplacement s’il ne fallait pas se plier à l’obligation de se rendre sur les lieux pour démontrer, en tentant de les plagier, que nous y fûmes. C’est dans la poursuite de cette perte de temps consacrée à l’errance que Lucile Vareilles a collecté une série d’impressions, liées aux apparitions soudaines des couleurs et des formes de son quotidien, qui déconstruisent les icônes officielles et nous proposent un Berlin bien à elle et pourtant proche de nous. Le titre donné à la série, Dit ist mein Berlin, revendique ce reportage d’un style inédit, celui de l’intimité d’un regard qui se cherche en même temps que la ville se découvre à lui, sans trajet préétabli, sans allégeance aux diktats touristiques.

Tous les cadrages de la série resserrent le paysage urbain en lieux de passage, le point de vue laissant volontairement hors champ les plus fameux landmarks de la capitale. La Porte de Brandebourg, par exemple, est saisie en une contreplongée centrée sur le quadrige de Johann Gottfried Schadow qui masque les imposantes dimensions du monument montrées habituellement à partir du recul que permet la perspective d’Unter den Linden. La photographe traduit ainsi un sentiment de vertige et de sublime survenu à l’occasion de son passage. Une impression semblable se dégage de la photo qui montre la célèbre Fernsehturm (Tour de télévision) au-dessus d’un toit d’immeuble, sans le Marx Engels Forum, la Rathausplatz ou l’Alexanderplatz qu’elle domine de ses 365 mètres. L’apparente déconstruction ou omission des sites à laquelle se livre Lucile Vareilles laisse la place à une attention singulière portée sur les couleurs et les graphismes parfois éclatants des façades d’immeubles. Certaines photos n’existent que par cet appel provenu du contraste entre grandes surfaces colorées, de l’énigme que constituent des inscriptions sur les murs, des tags si haut perchés qu’on se demande qui a eu telle audace d’équilibriste ou des affiches déchirées, oblitérées de macules et de lettrages. Ces images s’affichent comme des segments de parcours et de déambulations à travers les quartiers de la grande ville. Et pour intimer davantage cette idée de passage, Lucile Vareilles monte savamment certaines d’entre elles en diptyques sans chercher à faire se rejoindre les axes principaux des deux images, ce qui accentue le sentiment d’un œil qui va et vient par les rues, seulement distrait par le plaisir des formes. La photographie propose alors la reconstruction d’une ville, celle de ses allées et venues, Berlin depuis son rythme de vie, au gré de ses pas. Suivant cette intention, la photographe adjoint à ces vues particulières de la ville, un grand panneau où sont photographiés les multiples objets qui ont accompagné son séjour de plusieurs mois à Berlin : livres de poches, journaux, jeans et T-shirts, etc. qui sont les marques objectives d’un avoir-été-là ou plus précisément d’un avoir-erré-là.

Robert PUJADE

Voir : Catalogue Lucile Vareilles Collection 16 et demi