Pentti SAMMALLAHTI

Pentti Sammallahti est né en 1950 à Helsinki dans une famille d’artisan (Son père était orfèvre). Il est le petit-fils de la photographe Hildur Larsson, d’origine suédoise.
Dès son adolescence, il commence à pratiquer avec passion la photographie et le tirage. Il rejoint le Camera Club d’Helsinki à 14 ans.
Il étudie l’histoire de l’art, la musicologie et les mathématiques à l’université.
Parallèlement, il commence à travailler pour de petits périodiques culturels et s’occupe du laboratoire du photographe Matti A. Pitkänen.
Sa première exposition personnelle a lieu en 1971.
En 1974, il expose au Musée de la photographie d’Helsinki et commence à enseigner (École d’art de Lahti, Université d’art et de design d’Helsinki).
La reconnaissance de son travail se confirme en 1975 lorsqu’il reçoit le prix national finlandais de photographie, qu’il obtiendra à nouveau en 1979, 1992 et 2009.
En 1991, l’octroi d’une bourse artistique d’état pour une période de 15 ans lui permet de quitter l’enseignement et de se consacrer à son œuvre.
Première exposition en France en 1996 (Institut Finlandais, dans le cadre du Mois de la Photo).

Halmg-Tangch, Kalmoukie, 1991

LE SILENCE DES ESPACES

L’œuvre de Pentti Sammallahti, en majeure partie consacrée au paysage, renouvelle ce genre grâce à une poétique de l’insolite qui tire sa puissance d’un savante maîtrise des gradations extrêmes du noir et du blanc. Sa représentation du monde, née d’une exploration minutieuse des potentialités de la vision photographique, se pose en contrepoint face à la tendance contemporaine des grands tirages : le photographe finlandais privilégie en effet les points de vue panoramiques en petit format. Cette forme élargie du champ de vision ne délimite aucun lieu précis, aucune autre destination qu’une perte de vue où s’engouffre le silence à travers des étendues d’eau, de clairières ou de neige. La vastité paysagère ainsi découverte devient une scène où des acteurs muets, la plupart du temps des animaux domestiques, sont saisis dans des situations incertaines que l’on associerait volontiers à des personnages de fables.

Cet effet de narrativité est en grande partie le fait d’une écriture photographique très personnalisée, particulièrement dans le traité de la couleur où la violence des contrastes du noir au blanc renforce les effets de sens et enclenche l’illusion d’une intensité dramatique. Dans les paysages de la Mer Blanche en Russie, la neige est si omniprésente que les hommes et les bêtes paraissent des pièces rapportées, comme s’ils avaient été détourés d’un autre décor et abandonnés aux forces du blizzard. Quelque part dans les îles Solovski, la réverbération de la neige confère, par un effet de contrejour, une importance de personnage à quatre chiens errants sur une route : un Husky assis sur une motoneige préside cette parodie de Conseil tenu par les chiens et autour de son profil hautain, l’un de ses semblables s’incline tandis que les autres tentent de rouscailler. Plus étrange encore, le cas de ce petit lapin blanc qui, recevant à lui seul toute la lumière qui n’illumine pas le sous-bois devant quoi il se tient, transforme une obscure futaie de bouleaux en un univers de livre pour enfants (Signilskar, Finlande – 1974).

Comme aux plus beaux temps de l’art classique, cette photographie développe une apologie de la Nature dans ses multiples aspects, végétal, paysagiste, humain et psychologique, et plus qu’une apologie, l’art de Pentti Sammallahti délivre une véritable pensée plastique de la Nature. Un panoramique vertical (Swayambhunath, Népal – 1994) en fournit une illustration métaphorique : un singe, assis dans une attitude pensive, reçoit l’ombre d’un arbre déployé à la manière d’une gorgone et les ramifications infinies de la frondaison occupent toute la hauteur de l’image, comme si la matière végétale produisait le graphe du réseau neuronal qui aurait conçu une telle beauté.

Par ses choix de photographe et de coloriste du noir et blanc, les grandes scènes d’extérieur de Pentti Sammallahti finissent par refléter un monde intérieur : la symbolique manichéenne noir/blanc joue pleinement sa puissance d’évocation extraordinaire, comme dans cette photographie nocturne (Martinmere, Angleterre -1996) où sont confrontées, dans un entrelacs de formes aussi complexe que dans une gravure d’Escher, une population de cygnes blancs et une marée de canards sauvages. Comme dans certains panoramiques de Joseph Koudelka, le grand angle hypertrophie la valeur signifiante de l’image et le sujet de la photographie n’est plus seulement le paysage comme représentation de la Nature mais le partage d’une vie intime avec le silence des grands espaces et quelques signes de vie qui dérangent leur uniformité.

L’exploration de l’œuvre de Pentti Sammallahti nous conduit dans des chemins qui pourraient nous faire passer d’une phénoménologie du regard à une phénoménologie de l’intériorité.

Robert PUJADE

Vuonninen, Carélie, Russie, 1991

Vuonninen, Carélie, Russie, 1991